A l’heure des cadeaux de fin d’année, l’Opéra de Rennes en offre un singulier à son public avec un concert célébrant le double anniversaire de deux ensembles, l’un basé en Bretagne, l’autre en Occitanie. Fondateur de Mélismes, en résidence à l’Opéra de Rennes, Gildas Pungier a formé Christopher Gilbert, qui, en 2013, a créé un autre choeur de chambre, Dulci Jubilo, basé à Montauban. Pour les vingt ans du premier ensemble et les dix ans du second, le maître et le disciple les réunissent autour du répertoire allemand, mis en perspective avec deux créations contemporaines qui en réinventent la fervente intériorité.
Soutenu au gré des pièces par un violoncelle, une contrebasse et un orgue positif, dans une sorte de sobre réinvention du continuo, le programme s’ouvre avec le Geistliches Lied de Brahms, dont le recueillement se trouve condensé en un intimisme saisissant. Gildas Pungier passant le relais à Christopher Gilbert, l’équilibre entre l’homogénéité de la texture vocale et la mobilité des accents est mis en valeur, par la première des deux créations de la soirée, Das Nachtwandler Lied, dans laquelle Caroline Marçot renouvelle l’héritage des Romantiques et des minimalistes baltes en des modulations décantées.
L’ombre féconde de Bach
Le choral Mitten wir im Leben sind de Mendelssohn, témoigne, par son génie du contrepoint révélé ici avec une évidente pureté d’expression, de l’influence de Bach, ainsi que l’illustrent les trois extraits du motet Jesu meine Freude. L’empreinte du Cantor de Leipzig s’entend également dans la polyphonie du Unsere Väter hofften auf dich de Brahms. Christopher Gilbert, qui est également compositeur, laisse ensuite la place à son aîné pour la création de sa pièce Nunc dimittis, qui synthétise les langages chorals dans une écriture ciselée et économe, dont les couleurs modales dépassent les clivages entre tradition et modernité.
Après l’entracte, le Te Deum de Mendelssohn fait redécouvrir une magnifique fresque trop rarement jouée – comme les oratorios du musicien allemand, à l’instar d’Elias donné à l’Opéra de Lyon en cette fin décembre. Au fil de la douzaine de numéros de ce vaste hymne se décline une alternance de sentiment et de solennité qui fait ressortir la précision dans la fusion des tessitures, entre douceur irradiante et souplesse de la pâte sonore. La puissance de l’élan, qui n’est pas sans rappeler Haendel, confirme l’originalité de Mendelssohn dans la révérence aux maîtres du passé et l’assimilation de leur art, éclairée avec naturel par Gildas Pungier. Si les saluts ne font pas l’impasse sur la chanson de circonstance pour ce double anniversaire, le bis Stille Nacht rappelle, sans renier la sérénité à peine austère de la communion musicale défendue par ces Dialogues commémoratifs, la proximité de Noël.
Par Gilles Charlassier
Dialogues, Opéra de Rennes, 20 et 21 décembre 2023