C’est les pieds, avec chacun deux belles cloques dues à d’inhabituels hauts talons, que je suis rentrée du 62 ème Gala des courses de Deauville. Les risques du métier. Ils sont bien plus nombreux dans le monde des courses comme le rappelait ce diner caritatif destiné à récolter des fonds pour les 400 jockeys blessés sur les champs de courses cette année. Les mêmes champs de « bataille » qui voient, chaque saison, une centaine de chevaux en plat et plus encore en obstacle se faire une fracture, généralement sans appel; une bâche installée le plus rapidement et discrètement possible sur la piste-il ne faut pas gâcher la fête-le vétérinaire se charge alors d’envoyer beaucoup plus tôt que prévu au paradis des chevaux, si tenté qu’il existe, le pur-sang qui ne s’est pas bien réceptionné après une haie ou a dû subir la dureté du terrain en épreuves de plat comme ce printemps 2011 anormalement sec- une véritable hécatombe. Mais ne gâchons pas la fête qui avait lieu dans les salons de l’Ambassadeur du Casino de Deauville où propriétaires et jockeys se pressaient pour se remettre des prix, façon « César » du cinéma, sauf qu’il s’agissait ici de cravaches et d’étriers en or, argent ou bronze-selon. Et comme il importait ici de joindre l’utile à l’agréable, c’est au son d’un micro omniprésent pendant tout le service que l’assemblée-250 euros par tête- était invitée, entre un bar poché et un camembert truffé, à faire monter les enchères pour acquérir, entre autre une SMART relookée par une marque de boisson énergétique, projetant les chevaux mécaniques à des années lumière de l’élégance de ceux, bien vivants, qui dormaient non loin dans les écuries de l’hippodrome de la Touque.
L’empire Lucien Barrière
D’autant que les champions qui courent ici des courses prestigieuses de groupe I- le top- ont été rejoints depuis quelques jours par une centaine de yearlings chargés d’assurer la relève. C’est ainsi que l’un d’eux- la meilleure affaire de l’an dernier-30 000 euros- a remporté le célèbre prix Morny, qui porte le nom du duc avisé qui lança Deauville au début du siècle dernier. Lequel a depuis laissé sa place à feu Lucien Barrière qui jouit d’un monopole absolu sur la station balnéaire. L’on peut ainsi dormir dans l’un de ses trois hôtels quatre étoiles, puis aller jouer au golf, y déjeuner à moins de préférer l’un des deux hippodromes ou prendre un verre, dîner sur la plage et enfin aller au casino sans que le moindre euro dépensé n’aille pas dans les caisses du groupe Barrière. La rue qui a abrité la toute première boutique de Mademoiselle Chanel a d’ailleurs été débaptisée pour porter le nom de celui à qui appartenient aujourd’hui Deauville. Sans oublier qu’il sponsorise également la Polo Cup de Deauville qui prend ses aises au centre de l’hippodrome de la Touques, là encore tout le mois d’août. L’occasion d’admirer Aston Martin et Masérati s’embourber dans le sable des pistes d’entrainement à traverser pour découvrir un sport bien peu démocratique. Le « capitaine » français à l’instar de Laurent Dassault, est propriétaire au minimum d’une trentaine de poneys- nombre nécessaire pour chaque match- drivant sur le terrain trois cavaliers tous argentins qu’il paye grassement pour gagner. Une sorte d’America ‘s cup sur gazon où les chevaux remplacent les voiliers.
Voilà qui confirme en tous cas, comme le répète à l’envi le maire de la ville que Deauville aime le cheval en en faisant ici la plus… rentable conquête de l’homme.