Ce vendredi 29 mars, de nombreux fans s’étaient réunis aux portes du 104, dans le XIXe arrondissement, pour surfer sur une vague de nostalgie en hommage à un chanteur qui s’est éteint il y a déjà quatre ans, sans que la musique d’Alain Bashung ne cesse de résonner en nous; un héritage précieux dont se sont emparés quelques uns de ses amis ce soir-là. De grands noms et une surprise… Créé il y a un an par Pierre Mikaïloff, écrivain et journaliste déjà auteur d’une somme sur le chanteur, le spectacle Dernières nouvelles de Frau Major, mis en scène par Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, présente un personnage fictif ayant rendez-vous avec la star, et qui raconte comment elle a connu l’homme au long de sa carrière, pour le meilleur et pour le pire. À travers l’histoire de cette femme, incarnée avec frénésie par une jeune comédienne bourrée d’énergie et de folie, Lisa Pajon, on retrace le véritable parcours artistique de ce musicien aux multiples visages, tantôt chanteur de charme, tantôt dandy sombre et solitaire. Pierre Mikaïloff est lui-même sur scène, jouant son propre rôle, celui d’un journaliste écrivant l’histoire du chanteur. Un troisième personnage interviendra ponctuellement, le producteur véreux, profiteur sans scrupule du talent de son protégé. Au fond de la scène sont projetées des images capturées par Pierre Terrasson, photographe de Bashung depuis le début des années 80, illustrant ainsi la progression narrative du spectacle. Un show pluridisciplinaire donc, une œuvre d’art total pour faire revivre durant une heure et demie, une légende du rock.
Un final en silence bouleversant
Quand on pénètre dans la grande salle, le groupe est déjà en pleine session d’improvisation musicale. Autour de Yan Péchin, célèbre guitariste qui a accompagné de nombreux chanteurs français et évidemment Bashung, de 2002 jusqu’à la fin, trois autres musiciens, formant à eux quatre son dernier groupe de scène. Albin de la Simone et Chloé Mons sont les deux premiers artistes à venir réinterpréter les tubes du rockeur. Puis Kent et son blouson de cuir redonne vie à Gaby… La narration de la pièce progresse et on entre dans les années 90, période des plus grands succès et de la reconnaissance critique. Christophe Miossec entre chancelant et s’empare du micro pour un Osez Joséphine fiévreux. Les premiers accords de La Nuit je mens se font entendre avec en fond de scène l’étrange silhouette de Brigitte Fontaine, couverte d’un large manteau noir. Avec sa diction particulière et toujours décalée, elle exécute une version touchante et contemplative de la chanson. Enfin, pour l’avant-dernier morceau, c’est Bertrand Cantat, qui fait son entrée pour une émouvante interprétation de Comme un légo, la chanson-fleuve signée Gérard Manset, tirée de Bleu Pétrole, le dernier album de Bashung. La voix cassée de l’ex-chanteur de Noir Désir, chanteur désormais rare, se prête à merveille à la beauté triste et misanthrope du titre; le public apprécie le moment…
Puis à la fin du spectacle, les lumières s’éteignent pour un long silence méditatif, un instant rare de respect en hommage pour le chanteur disparu. La messe est dite. Avé Bashung.