Cette saison de la salle Favart aura été exceptionnelle à double titre, entre célébration du trois-centième anniversaire de l’Opéra Comique, et dernière avant une fermeture annoncée de dix-huit mois pour travaux. Autant dire que la soirée de clôture dirigée par Jérémie Rhorer avec Julie Fuchs aura sans doute un piquant parfum de nostalgie. On pourra d’ailleurs en reprendre une bouffée avec le DVD de Ciboulette (chez fraMusica), si l’on a manqué la reprise d’avril dernier.
Superposant délicatement les époques sur fond de halles Baltard et campagne d’Aubervilliers aux reflets sépia, le joyau de théâtralité qu’est la mise en scène de Michel Fau – jusqu’à faire reprendre la valse finale en chœur par le public – restitue l’inimitable sensibilité d’un subtil chef d’œuvre enfin revenu au répertoire. Si les spectateurs de 2015 ont pu goûter la Ciboulette plus sage mais non moins vocale de Mélody Louledjan, on pourra toujours revenu à la gouaille de Julie Fuchs, qui avait, sans le confisquer, irradié le rôle. Comparer le Duparquet de Jean-François Lapointe à celui de Tassis Christoyannis serait mettre deux excellences en rapport, quand sous le jeu d’Olivia Deray en Zénobie pointe le souvenir de la regrettée Eva Ganizate immortalisée par l’enregistrement, sans oublier Bernadette Lafont, madame Grenu happée par l’éternité, et rendue récemment à Guillemette Laurens.
Travelling arrière
A quelques jours de la première, l’ultime résurrection orchestrée par Jérôme Deschamps, Les Fiançailles au couvent de Varney, confirment la curiosité d’une maison qui n’a pas hésité à donner une tribune régulière à la création contemporaine. Si l’on se souvient de l’ébouriffant Re Orso de Marco Stroppa, le disque a avant tout gardé la trace d’une retentissante coproduction avec la Monnaie, Au Monde de Philippe Boesmans. La froide noirceur du livret comme du travail scénographique de Joël Pommerat, laissant les personnages au milieu de leurs apories, a sans doute forcé l’admiration comme la perplexité. Il en reste pour le moins une partition accomplie, serrée de motifs récurrents, qui a abandonné les prétentions virtuoses – qu’elle ne maîtrise pas moins – pour s’offrir, simplement, à l’expressivité et à l’auditeur. Et avec des voix telles que Patricia Petibon, Charlotte Hellekant, Yann Beuron ou Stéphane Degout, nul doute que la gravure réalisée à Bruxelles, et déjà récompensée par la critique, saura convaincre que la musique d’aujourd’hui n’est plus le privilège d’une élite et de l’intellect.
Les Contes de la lune vague après la pluie de Xavier Dayer, ouvrage créé à Rouen en mars avant de s’inviter mi-mai sur la scène parisienne, donne un autre avatar de diversité où se plaît l’Opéra Comique. Adaptée à partir du film de Mizoguchi, l’opus aux dimensions intimes et chambristes, restitue parfaitement la narrativité fragile et évanescente du cinéaste japonais, où réel et songe se frôlent jusqu’à se confondre, ce que le minimalisme évocateur de Vincent Huguet a remarquablement compris. En somme, un vivant exemple de créativité d’un genre et d’une institution plus modeste que Bastille et Garnier, mais pas en ses succès, et que l’on espère bien voir perdurer à l’ombre de ses rivaux où elle s’est faite une lumière reconnue comme en témoigne la belle exposition au Petit Palais qui lui est consacrée, à voir jusqu’au 28 juin.