Le printemps est traditionnellement la saison que choisit le trio des grandes salles parisiennes donnant des opéras- Théâtre des Champs Elysées, Opéra de Paris et Opéra Comique-pour annoncer le programme de leur prochaine saison. L’occasion pour chacune de ces salles de réaffirmer son identité et offrir à ses abonnés de quoi leur donner envie de le rester avec une présentation suivie d’un petit cocktail. Un abonné est en effet quelqu’un qui paye à l’avance ce qui en matière comptable est forcément chose appréciable…De quoi lui offrir un programme toujours magnifique et un petit récital comme à l’Opéra Comique où Michel Fau- actuellement dans son récital empathique au Petit Marignan-s’est grimé en femme fatale- « sa tenue de ville », non pas pour singer Carla Bruni comme lors des Molières d’il y a deux ans, mais offrir une version de Carmen à hurler de rire et une traduction de Summertime dont on se souviendra longtemps : « le coton est haut, ton papa est riche, ta maman est belle… ». Voilà qui égaya l’exercice toujours un peu figé de présentation enrichie des explications fort intéressantes de la dramaturge Agnès Terrier sur une saison qui ne débutera qu’en décembre, travaux obligent.
Comme un spectacle à l’Opéra Comique
« Si vous avez aimé Didon et Enée, vous adorerez Venus et Adonis de John Blow » plaisante Jérôme Deschamps, qui signe sa sixième saison à Favart et vient de créer une académie pour former des jeunes à cette technique chère à l’Opéra Comique du parlé chanté. Il signera également la mise en scène de Marouf, savetier du Caire en mai. Avant cela, un opéra bouffe italien –Limbus-Limbo, les ballets de Noverre célébrant l’art du pantomime au XVIIIème siècle, William Christie dans David et Jonathas de Charpentier ou encore Ciboulette chantée par Julie Fuchs, à la voix de rossignol comme put en avoir un avant goût le public pendant cette présentation. Et pour tous ceux que cela tente, l’Opéra Comique offre la possibilité au public de venir répéter pour accompagner les chanteurs le soir de la représentation de cette histoire d’amour entre une maraîchère et un riche aristocrate. Puis, un buffet parti en quelques secondes fut ensuite offert tout comme au Théâtre des Champs Elysées où les quelques fromages prévus pour une douzaine de personnes furent engloutis par des bourgeois bien peu remerciés de leur patience. C’est en effet beaucoup moins artistiquement que pour le centenaire de ce théâtre, son président Raymond Soubise et Michel Franck égrenèrent la saison en se vantant de « cet esprit de famille qui règne ici, bien différent de celui de l’Opéra de Paris -une entreprise comme Général Motors ».
Programme de centenaire au TCE
Bien calés dans les fauteuils d’orchestre, le public ria avant de se féliciter de pouvoir venir assister à trois Sacre du Printemps-l’original de Nijinski qui fit sensation à l’ouverture du théâtre il y a cent ans, celui de Sasha Waltz crée pour l’occasion et enfin de Pina Bausch;trois Médée-celle de Charpentier avec Emmanuel Haïm, de Cherubini avec le polonais Warlikowski à la mise en scène et celle du compositeur contemporain Pascal Dusapin; et un Don Giovanni de Mozart, mis en scène par le formidable directeur de la Colline, Stéphane Braunschweig. Il y aura aussi un bal du centenaire en hommage à celui de Joséphine Baker avec big band et DJ. De quoi réveiller sans doute mon voisin, un vieux monsieur très chic et sans doute trompé par la salle plongée dans le noir pour une petite vidéo montrant la scénographie très « moderne » de Jonathan Meese- le public est prévenu…
De son côté, l’Opéra de Paris joua la sobriété avec une conférence de Presse dans le salon Florence Gould, l’occasion de confirmer pour Nicolas Joël sa connaissance de la musique classique-cela est toujours appréciable lorsque l’on est directeur de cette institution qui affiche un taux record de 94 % de fréquentation avec pour l’an dernier 795 000 spectateurs. Avec la bonne idée de rehausser les fauteuils en fond de loge pour Garnier et du surtitrage qui va désormais être visible par l’ensemble de la salle, voilà qui promet des chiffres encore exceptionnels pour 2013 avec de surcroit le bicentenaire Wagner qui sera conduit comme il se doit par Philippe Jordan, talentissime directeur musical à la tête de cette énorme formation composée 174 musiciens permanents.
Le ring à l’honneur de l’Opéra
Le Ring sera ainsi donné en son intégralité pour la première fois depuis 50 ans mais faites-vite car 20 000 places ont déjà été vendues! Et si vous n’aimez pas Wagner, il y aura Mozart avec les Noces, Carmen de Bizet ou la Tosca de Puccini dans la reprise de la mise en scène du cinéaste Werner Schroeter. Reprise également de la mise en scène de Laurent Pelly pour Giulio Cesare de Haendel où Nathalie Dessay était apparue en Cléopâtre fort dénudée, ce qui ne lui a pas déplu puisque qu’elle retrouvera cette saison le génial directeur du théâtre de Toulouse dans la mise en scène de La fille du régiment de Donizzeti. Autre enfant terrible et virtuose, Olivier Py revient avec The Rake’s Progress de Stavinsky. Côté danse, l’événement sera le tricentenaire de l’école française de danse avec pour l’occasion des écoles de danse qui viendront du monde entier et le traditionnel défilé de l’Ecole de danse. Balanchine, Forsythe, Trisha Brown, Cunningham, Petit, Béjart, Kylian, Neumeier, Carlson, Preljocaj, la saison sera très « pieds nus » avec une petite nouvelle, l’étoile Marie-Agnès Gillot qui signera sa première chorégraphie. Une soirée hommage à Noureev- 20 ans qu’il est mort-sous forme de gala devrait marquer les esprits surtout que la savoureuse directrice de la danse, Brigitte Lefevre nous promet qu’il ne sera pas question d’ « hommage, fromage, dommage »…