Il faut s’appeler Alexis Michalik, fort de ses succès avec Le porteur d’histoire ou Le cercle des illusionnistes pour oser, par les difficiles temps qui courent pour le théâtre privé, mettre douze personnes en scène. Mais Edmond Rostand et son écriture de Cyrano de Bergerac valait bien cela; ça virevolte sur le Boléro de Ravel, entre sa femme ou la grande Sarah Bernhardt qui l’appelle poéte chéri malgré son four avec La Princesse lointaine, une pièce écrite en vers, « du mauvais Musset » qui faisait de lui « un jeune déjà ringard » d’après Labiche et Courteline. Mais voilà qu’en quelques semaines, il rédige, à 29 ans, son chef d’oeuvre grâce à Coquelin, grand acteur qui ne cesse de lui réclamer des actes, lui qui ne les a pas encore écrits. C’est joyeux, drôle, vif, intelligent et l’occasion de réentendre les vers de Cyrano, et découvrir comment la tirade du nez lui fut inspiré par un tenancier noir de bar. Le soir de la première, Sarah Bernhardt bâcla la pièce qu’elle jouait pour assister au dernier acte de Cyrano avec à la clé, quarante rappels, du jamais vu.
Le théâtre vivant ou un peu mort
La pièce a été depuis jouée plus de vingt mille fois et demeure le plus grand succès du théâtre français devant Molière. Dans le joli théâtre du Palais Royal, le soir de la première fut tout aussi jubilatoire devant une salle archi-comble, dans une ambiance bien différente de celle au Musée d’Art Moderne pour découvrir Charlotte Rampling et Tilda Swinton dans la pièce imaginée par le directeur du Palais Galliera, Olivier Saillard. Au premier rang, audrey Azoulay pour découvrir les deux actrices en blouse blanche présenter des carrés noirs en les présentant comme des photos des plus grands, de Sieff à Avedon en passant par Newton et Klein. Le spectacle veut ainsi dénoncer la surexposition des images, la sturation en pleine ère du numérique; les deux actrices telles des archéologues du souvenir se courbent, s’allongent, visage androgyne pour l’écossaise, un peu las et timide pour Rampling sur fonde de musique méditative façon Philipp Glass. Durée 45 minutes, heureusement…
LM
Surexpostion au MAM, à 19heures jusqu’au 2 octobre dans le cadre Festival d’automne
Edmond, au Théâtre du Palais Royal à 21 heures