Adélaïde avait cinq ans. Petite fille de la noblesse française, elle sort aujourd’hui de l’anonymat grâce à Nathalie Rheims qui transforme dans son très beau livre Le Père Lachaise, jardin d’ombre ce petit fantôme en accompagnatrice de coeur. Cette enfant fut en effet la première à être enterrée dans cet immense parc alors très loin de Paris. Il porte le nom du confesseur de Louis XIV qui a dû en entendre de bien belles, tout comme les 5300 arbres qui ornent ses allées dont plusieurs sont centenaires, épousant pour certains la pierre à moins que ce ne soit l’inverse. Verlaine et son Colloque sentimental l’écrivit avec bonheur : « – Te souvient-il de notre extase ancienne?- Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne?- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom? Toujours vois-tu mon âme en rêve? – Non. »
Nathalie Rheims prête elle aussi sa plume inspirée à cette promenade au milieu des tombes, exercice nostalgique qu’elle découvrit avec son père, le grand père paternel, un général, gisant quelque part entre Jim Morisson et Balzac. Car pour attirer les Parisiens hors des murs dans ce cimetière imaginé par Brogniart ( le même que celui qui dessina la Bourse…), les autorités de l’époque n’hésitèrent pas à y déplacer les « peoples » d’alors-Molière et La Fontaine. Musset, Chopin, Colette, Proust, Oscar Wilde ou encore Sarah Bernhard les rejoignirent, visités par les chats et les touristes ainsi que Nathalie Rheims qui, chaque vendredi soir, va saluer ses fantômes. Les photos de Nicolas Reitzaum accompagnent avec grâce son texte, autant de détails de toiles d’araignées ou de visages de pierre. On referme le livre apaisé et empli de sérénité comme après une messe de Noël, avec ce miracle qu’offre un beau livre: pouvoir répéter l’expérience à l’envi.
LM
Le père Lachaise de Nathalie Rheims chez Michel Laffont , 30 euros