Après des mois de fermeture, le Palais Galliera avait vu les choses en grand pour la Fashion week d’octobre 2020. Rendre hommage à l’icône absolue de la mode, Gabrielle Chanel avec plus de 350 robes, tailleurs ou manteaux issus des collections du musée ou prêtées par la maison Chanel sur 1500 m2 dont de nouvelles galeries en sous-sol jusqu’alors servant de stockage. Mais voilà, c’était sans compter sur un virus indélicatement féminisé depuis. Heureusement, la superbe photo d’Henri Clarke est réapparue sur les abribus de Paris à la réouverture des musées le 19 mai 2021 avec une exposition prolongée jusqu’au 18 juillet 2021. Plongé dans le noir avec une scénographie des plus inspirée par Olivier Saillard, le visiteur est invité à déambuler devant les modèles de celle qui libéra le corps de la femme dès 1912, visionnaire de sa libération avec la première guerre mondiale. La taille s’efface, les matières s’assouplissent avec du jersey emprunté aux hommes. Dès les premiers modèles, on est saisi par la modernité et l’évidence des lignes; leur justesse aussi avec cette idée que Chanel, en femme libre, annonce une révolution pour les femmes, associant le mouvement à la féminité. De la petite robe noire aux robes longues de soirées, c’est un délice de mousseline, de dentelles à peine visibles, bref le chic à l’état pur parfaitement résumé par Gabrielle Chanel elle-même: « On commence toujours par faire des robes de rêve. Et puis il faut abattre, il faut rogner, il faut enlever, jamais remettre. «
Chanel, le phénix
De la rigueur avant toute chose, réminiscence indélébile de ses années d’orpheline chez les soeurs d’Aubazine; col blanc sous veste noire, ses deux couleurs fétiches, bijoux en forme de croix, boutons de son premier tailleur ornés de lion-son signe astrologique, robe de cocktail couverte d’épis de blé brodés, les années s’égrènent, Chanel ne cesse de se réinventer. Et si l’exposition n’aborde jamais sa disgrâce avec l’arrivée de Dior et Schiaparelli dans les années 50, son retour moqué par toutes les rédactrices de mode avant, tel un phénix, à près de soixante dix ans, de revenir sur le devant, inventant son fameux tailleur, le sac matelassé, les ceintures chaines et ses bijoux brocards. Car, Chanel, c’est avant tout cette capacité à se réinventer sans cesse comme les grands peintres en passant du coton cloqué aux sequins de perles ivoire, créant des robes de jeune vierge ou de sirène. Cela avec la même virtuosité jusqu’à sa mort en 1971, refusant tout compromis comme de montrer les genoux, « cette horrible articulation ». Lagerfeld s’en chargera bien assez plus tard, héritier magnifique de la grande Mademoiselle en perpétuant le nom de Chanel dans le monde entier et offrant ainsi une magnifique revanche à cette fillette sur laquelle aucune fée ne s’était penchée.
Par Laetitia Monsacré
Gabrielle Chanel, Manifeste de mode, jusqu’au 18 juillet 2021 et en exposition permanente en sous-sol, Palais Galliera