« Ce n’est que le début d’un grand changement ». Ainsi parlait une mère dans le très bon documentaire de Amal Mogaizel sur le Mariage Gay, Et les enfants alors? diffusé sur France 5 la semaine dernière. Avec la loi qui a été adoptée hier par le Sénat, les environs du jardin du Luxembourg vont retrouver leur calme. Quoique. Ce lendemain de vote, c’était encore des dizaines de cars de CRS qui bloquaient la rue de Tournon pour « sécuriser » l’entrée du palais face à une vingtaine de manifestants de Civitas. Après avoir récité toute la semaine des « Je vous salue Marie pleine de grâce » agenouillés au milieu de la rue devant un poster de la Vierge avec leurs drapeaux des chevaliers du Christ-Roi , ces catholiques purs et durs étaient ce mercredi soir sous la pluie battante avec un haut-parleur pour se livrer à une sorte de chasse aux sorcières bien peu « charitable » en scandant « doit être battu aux prochaines élections » suivi du nom de tous les sénateurs ayant voté pour le mariage pour tous. Un peu avant, une femme arrivée la première avec deux drapeaux bleu blanc rouge se fit méchamment insulter par une jeune femme poussant une poussette sur le trottoir dans un quartier où l’on est plus riche bohème que catholique croyant. Quant à Frigide Barjot, toute de rose vêtue avec une couverture étalée sur le dos qui pouvait laisser à penser qu’elle comptait dormir sur place.., c’est son arrivée lundi soir en scooter pour rencontrer selon ses dires le Président Raffarin qui lui valu de s’entendre dire par un policier en civil fonçant droit sur elle, « Votre présence affole tout le monde »...De quoi transformer la chambre haute de la République, plutôt habituée à « ronronner » tranquille, en citadelle imprenable, défendue par des camions équipés de barrières de protection.
Un loi qui valide un état de fait
Tout ça pour ça serait-on tenté de dire… avec une loi qui ne fait que confirmer ce qui dans les faits existe déjà- l’existence de familles où les deux parents sont homosexuels. Que ce soit par insémination artificielle à l’étranger comme en Espagne-pays l’autorisant bien que très catholique, avec l’aide d’une mère porteuse comme en Ukraine -coût 80 000 euros- ou par adoption, des milliers d’enfants sont déjà là; les protéger afin que le parent conjoint ne soit pas privé de ses droits en cas de décès du parent « biologique », éviter qu’avant d’accoucher, une mère ne soit obligée de devoir rédiger son testament en faveur de sa conjointe ou qu’en cas de séparation, les deux parents aient les mêmes droits en matière de garde comme dans un couple hétérosexuel, voilà qui était plus que souhaitable. Ce qui est à regretter en revanche c’est qu’il ne soit obligé d’en passer pour cela par le mariage -qui n’est qu’une forme de contrat civil comme une autre mais dont la sémantique même a enflammé les catholiques! La plupart des enfants de couples hétérosexuels ne naissent-ils pas aujourd’hui hors mariage avec pour autant l’assurance de droits conjoints ? « On découvre ici que les couples ne se valent pas » regrette un père même si 62 % des Français se sont prononcés en faveur du mariage pour tous avec cette idée de tolérance envers la différence. Car « légiférer c’est avant tout organiser ce qui n’est pas naturel, civiliser la nature » rappelle une avocate tandis que la psychanalyste Elisabeth Roudinesco confirme que les enfants recherchent avant tout de l’amour et une qualité de lien avec leurs parents en faisant très facilement abstraction de la sexualité de ceux-ci. A voir le visage de ceux qui étaient dans ce documentaire, nés de parents (qui, rappelons- le, furent jusqu’en 1981 considérés par l’OMS comme des « malades mentaux »), on était volontiers prêt à le croire même si en donnant la parole aux opposants, le réalisateur a bien montré toutes les difficultés de certains face à cette famille qui a tellement évolué en un siècle.