Merci donc d’être là, avec cette idée chère aux psys que si l’on ne paye pas, on ne donne pas de valeur aux choses…
« Nous sommes Jim » a bien sûr, tout comme « Je suis Charlie », ses limites…Clamer une identité commune, voilà qui pose ainsi question tant il est évident que chacun n’a pas le mêmes chances ni les mêmes valises face à ce que l’on nomme la culture. Les écrivains dans le Monde des Livres d’hier l’ont très justement souligné, après qu’Eric Orsenna, sur le plateau de l’émission commune à France 2 et Radio France, eut parlé, dès dimanche soir, de tous les « laissés pour compte » de notre société individualiste 364 jours par an- le 11 janvier 2015 restera cette année à part.
« Il faut remédier à la misère des esprits » écrit JMG Le Clézio; Lydie Salvaire, prix Goncourt en novembre dernier, parle quant à elle de ce qu’elle a vu en tant que pédopsychiatre de l’autre côté du périph- tous ces jeunes qui ne sont pas Charlie. Les mêmes qui n’ont pas respecté la minute de silence et sont horrifiés qu’on blasphème leur prophète tout comme peuvent l’être certains catholiques devant La dernière tentation du Christ de Scorsese ou demain, si l’on montrait Jésus crucifié avec une paire de couilles pendant sur la croix. Houellebecq dont nous avons lu le livre qui apparait aujourd’hui si prophétique en parle d’ailleurs, de cette religion où Dieu s’incarne dans un homme qui « semble bien aimer les femmes », fruit lui même d’une femme enceinte avant le mariage…
Mourir ou vivre
Le degré de tolérance. Nous avons tous le nôtre- propre à notre éducation, notre histoire personnelle. Ce que nous sommes, ce que nous aurions pu être. Les dessinateurs de Charb ne sont pas des héros. Juste des hommes qui faisaient ce qu’ils aimaient, sans peur mais avec quelques reproches. Delfeil de Ton, ancien d’Hara-Kiri avec toute la bande de Charlie et aujourd’hui formidable caricaturiste du Canard Enchainé, ose dire dans l’Obs de cette semaine qu’il en veut à Charb. Que celui-ci « préférait mourir et Wolin, (lui) préférait vivre ». Wolin, pour Wolinski.
Ses amis l’appelait comme ça. C’est le Il/Elle de notre semaine, avec pour la première fois dans nos portraits de disparus, le fait d’avoir été à l’enterrement. Sans vraiment bien le connaitre, c’était comme un copain, de ceux qu’on voit depuis toujours, avec son havane au bec d’ avant la loi Evin et qu’on croisait si souvent dans le quartier de Saint Germain des Près. Il méritait tout comme les autres de vivre encore- quelques années pour lui ou de nombreuses pour ce jeune juif de 19 ans, mort en voulant jouer les héros à la supérette Hyper Kasher de la porte de Vincennes. Etre un héros ou seulement sauver sa peau, l’écriture est forcément subjective pour tous les commentateurs. Nous n’y étions pas alors un peu de silence ferait du bien ou en tout cas moins de mal que BFM TV, qui a annoncé que des clients était réfugiés dans la chambre froide ou qu’un employé était caché avec un portable dans l’imprimerie pendant que les preneurs d’otages étaient encore vivants. Une vraie honte à notre profession. Paix aux âmes de tous les autres, aux morts comme aux vivants.
LM