C’est sur une musique de Bach, compositeur qu’affectionnait particulier Henri Cartier-Bresson que s’ouvre ce beau documentaire qui lui est consacré, réalisé par Pierre Assouline, son biographe et ami. « Il n’y a rien à dire, il faut regarder. On apprend pas aux gens à regarder. C’est tellement difficile de regarder « disait celui que l’on surnomma l’oeil du siècle; voilà qui n’est pas l’avis de Pierre Assouline, qui donne la voix à son ami disparu en 2004, une parole rare et discrète d’un des photographe les plus connus qui soit et reconnu de tous comme le maitre du photojournalisme.
Soutenue par le montage à la fois sobre et ambitieux de Michèle Hollander, s’appuyant sur les photographies, réalisations vidéos et lettres manuscrites du maître de l’instant décisif et émaillée par l’usage sonore des clics d’un déclencheur de Leica, le moyen d’enregistrement parfait, la réalisation est au service de cet artiste qui se lia avec André Breton, instigateur du mouvement surréaliste, et dont il partageait la posture de donner au regard sur la vie, une sorte d’interrogation perpétuelle. « La photographie est une sorte de chose intuitive, qui colle à la réalité et qui sort de très profond en soi-même,; des temps agités de la Libération en passant par la guerre d’Espagne, l’esprit du photographe qui pensait être peintre se dessine. « Pour moi la photographie c’est amener dans la même ligne de mire la tête, l’oeil et le coeur. C’est une façon de vivre. »
Photojournalisme et portraits
Maître incontesté de la géométrie, de l’organisation plastique de l’image, » le plaisir c’est la géométrie, que ça tombe juste », le photographe se découvre peu à peu soucieux de son temps et de sa pratique.
« Il s’agit toujours de se poser la question. De quoi s’agit-il? C’est le pourquoi qui est intéressant. C’est de saisir les choses à la charnière. Il faut se débarbouiller de toutes les idées préconçues, tous les clichés. En face il y a la réalité tout de même; c’est elle qui a le dernier mot. » Une réalité qu’Henri Cartier-Bresson explorera ensuite par la réalisation subtile de portraits. Coco Chanel, Alberto Giacometti, Ezra Pound, Martin Luther King devenant ainsi des modèles consentants. « Si en faisant un portrait, on espère saisir le silence intérieur d’une victime consentante, il est très difficile de lui introduire entre la chemise et la peau un appareil photographique. C’est une espèce de lutte avec soi-même, avec le temps, avec le sourire de la personne. Il faut saisir l’animal dans sa tanière. »
Vous l’aurez compris en lisant ces citations, on touche avec ce documentaire au coeur de cet homme, à la fois épris et anxieux du temps qui passe. « Nous sommes des voleurs mais pour donner. » Voilà sans doute la plus belle définition qui soit du photographe.
Par Audrey Campion
Le siècle de Cartier Bresson de Pierre Assouline diffusé sur Arte mercredi 7 novembre à 22h05 et sur Arte Replay pendant une semaine