Douée d’une aura particulière pour les « callassophiles », la date du 2 décembre, prend cette année un relief singulier, avec le centenaire de la naissance de la légendaire diva, né à New York d’une famille grecque en 1923. On a tant écrit sur la Callas qui fut l’une des personnalités les plus médiatisées de l’Histoire, au-delà du monde de l’opéra et des arts – son chant à la puissance expressive et théâtrale unique, son ascension vers la gloire, ses coups d’éclats, ses amours avec Onassis – qui s’est ensuite tournée vers la veuve Kennedy –, ses dernières années recluses et sa mort prématurée à Paris en 1977. Les créations autour du mythe ne manquent pas, à l’exemple de celle de la performeuse Marina Abramovic, Sept morts de Maria Callas, qui a tourné ces dernières saisons. L’Opéra national de Grèce à Athènes a jalonné la sienne autour de cet anniversaire – avec entre autres des expositions –, qui est aussi l’occasion, pour certaines salles comme le Palais Garnier avec l’Arop, de célébrer le mythe avec un gala – plus sensible à lever des fonds que de l’éventuel legs artistique de la cantatrice.
Au cœur d’une voix de légende
Mais le cinéma, et la restauration des archives, rendent possible un autre miracle, celui de ressusciter post-mortem la présence du chant. C’est le résultat de ce patient de reconstitution par Tom Volf et Samuel-François Steininger, qui avaient produit en 2017 le documentaire Maria by Callas, que les cinémas français mettent à l’affiche en exclusivité pour le week-end du centenaire, samedi 2 et dimanche 3 décembre. Callas – Paris 1958 fait revivre en couleurs aussi haute-définition que la restitution sonore le concert donné par la diva le 19 décembre de cette année. En première partie de ce gala qui avait réuni tout le gratin de l’époque, du président Coty au duc et à la duchesse de Windsor, de Jean Cocteau à Brigitte Bardot et Charlie Chaplin, Maria Callas interprétait l’un de ses rôles fétiches, Norma, avec Casta diva, avant la scène du Miserere du Trouvère et la savante espièglerie de Una voca poco fa de Rosine dans Le Barbier de Séville. En seconde partie, elle incarnait Tosca dans le deuxième acte de l’opéra de Puccini face au Scarpia de Titi Gobbi, autre monstre sacré et partenaire fidèle de La Callas, où sur fond d’un décor traditionnel s’enflamment les passions dans cette confrontation anthologique, à la fois leçon de chant et de jeu d’acteur. Sur grand écran, avec des solistes qui ont deux à trois fois la taille réelle, le spectateur est plongé au cœur de la voix jusque dans ses moindres inflexions, sur un orchestre certes un peu alourdi par la remastérisation – détail face à cette magie d’un artifice de résurrection plus vrai que nature. A quand un DVD ?
Par Gilles Charlassier