« Prenez le relais, indignez-vous ! » s’insurgeait Stéphane Hessel dans son petit manuel. C’est largement inspiré de ce livre que le réalisateur Tony Gatlif tente dans son film « Indignados » de nous pousser à refuser ce système économique qui n’a que trop duré, mais surtout à ouvrir les yeux. A travers le voyage d’une immigrée clandestine africaine, c’est le parcours de ces hommes et ces femmes qui risquent leur vie pour en trouver une meilleure qui est ici montré. Cette adolescente n’a pas de nom. Certainement pour mieux représenter Roger, 62 ans ; Marie Ange, 35 ans ; Morgan, 29 ans ; Douka 8 ans, et tous les autres dont les prénoms et âges sont simplement indiqués par le réalisateur sur des camps de fortunes, des tentes et des cartons -seules habitations d’une population isolée- dont la personne n’est plus symbolisée que par ce qui lui reste de matériel, tant elle est invisible aux yeux de tous.
Hommage au Printemps arabe
Il n’y a pas de long dialogue, pas de discours. Juste des mots inscrits sur l’écran –ceux que l’on retrouve sur les pancartes des indignés. « L’actuelle dictature des marchés menace la démocratie ». « Nous n’avons pas élu notre banquier ». « Regardez autour de vous le traitement des sans-papiers ». Ce dernier slogan est illustré par la situation de la jeune africaine. De son arrivée en Grève où elle passe par la case habituelle du camp de rétention, à son voyage jusqu’en France – encore considérée à tort comme l’eldorado par les populations pauvres- à son renvoi en Grèce par la police. Le tout rythmé par une musique –tambours battants, cris de la foule, guitare électrique- qui donne le ton au film : celui de la révolte. Son parcours suit celui des indignés touchés par la crise. Le réalisateur dévoile des images capturées en temps réel dans la foule des rues athéniennes, sur le campement de la Plaza del Sol à Madrid ou du mouvement de la Bastille à Paris. Puis, cette scène, de milliers d’oranges dévalant les rues, signe d’un mouvement que rien ne peut plus arrêter –hommage à Mohamed Bouazizi, ce vendeur de fruit qui en s’immolant à Sidi Bouzid a déclenché le Printemps arabe. Mais pour ne citer que le grand indigné, Che Guevara, « la révolution c’est comme une bicyclette: quand elle n’avance pas, elle tombe. » L’avenir de cette révolte reste incertain. Étouffée en Espagne, inexistante en France, seule la Grèce continue actuellement d’être le théâtre de manifestations contre le dernier plan d’austérité. Pas sur que comme la jeune immigrée africaine se le répète tout au long du film, « Ça ira », que ce soit dans le sens du retrait...
Par Sarah Vernhes