Tout Hollywood le surnomme désormais le “George Clooney français”. Ses sourcils mobiles, son sourire charmeur et son French accent bien marqué sont déjà imités. Jean Dujardin est devenu une star hier soir à Beverly Hills lors de la 69e cérémonie des Golden Globes, sacré meilleur acteur comique pour The Artist, plus de vingt ans après Gérard Depardieu pour Green Card. En marchant vers la scène pour recevoir son trophée, l’acteur français semblait ne pas y croire. Dans ses remerciements à l’association de la presse étrangère, organisatrice des Golden Globes, il a rappelé une anecdote qu’il avait confiée quelques mois plus tôt au New York Times: “Un agent m’a dit un jour: vous ne ferez jamais de cinéma, votre visage est trop expressif, trop gros (…) je veux le remercier de me permettre de lui montrer qu’il avait tort”. Il a fait sourire le prestigieux parterre d’acteurs et de réalisateurs, et, après quelques mimiques à la Douglas Fairbanks, et un “Thank you, merci!” lancé dans un large sourire, ce fut l’ovation.
The Artist sacré meilleure comédie
Si The Artist n’a pas fait le plein de trophées – trois sur six nominations – le film de Michel Hazanavicius est tout de même entré dans l’histoire des Golden Globes en remportant le trophée de la meilleure comédie. Jamais un film français n’avait décroché cette récompense, jamais un film français n’avait d’ailleurs concouru dans cette catégorie, classé habituellement dans celle des films de langue étrangère – c’est le film iranien Une Séparation qui vient de remporter le prix, après avoir reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin. Le film muet a donc réussi à s’imposer devant Minuit à Paris de Woody Allen, Ma semaine avec Marilyn, l’autre chouchou de la presse américaine, Mes meilleures amies, grand succès de l’année, et 50/50. Depuis son lancement fin novembre – dans seulement quatre salles américaines! – The Artist a su conquérir critiques et public américains, récoltant en deux mois une moisson de récompenses. Toute l’équipe est venue sur scène recevoir le Golden Globe suprême, Jean Dujardin amusant encore l’assemblée en jouant avec Uggi, le Fox terrier du film. Le producteur français Thomas Langmann a pour sa part tenu à rendre hommage à son père Claude Berri, qui, en 1966, n’avait pas eu les moyens de venir à Hollywood chercher son Oscar du meilleur court-métrage.
La troisième récompense est revenue à Ludovic Bource pour la meilleure musique originale. Dans un anglais plus qu’approximatif, le musicien français a souhaité remercier Bernard Hermann, le compositeur de Sueurs froides, et répondre ainsi aux récentes accusations de Kim Novak. Dans le magazine Variety, l’actrice de 78 ans n’avait pas hésité à parler de “viol” en évoquant l’utilisation de la musique du film d’Alfred Hitchcock par Michel Hazanavicius.
Scorsese et Allen
Le réalisateur francais n’a pas reçu la récompense du meilleur réalisateur, mais avait-il ses chances face à des monstres sacrés du cinéma comme Woody Allen ou encore Martin Scorsese? C’est ce dernier qui l’a emporté avec Hugo Cabret, et ce, pour la troisième fois de sa carrière. Le meilleur scénario échappe également à The Artist et revient à Minuit à Paris de Woody Allen – c’est pourtant loin d’être la meilleure histoire du cinéaste new-yorkais. Enfin déception pour Bérénice Béjo qui méritait pleinement de recevoir le prix du meilleur second rôle féminin, trophée remis à Octavia Spencer pour La Couleur des sentiments. Pas de surprise côté actrices: Meryl Streep remporte le Golden Globe – le huitième de sa carrière!- de la meilleure actrice dans un drame pour La Dame de Fer, tandis que Michelle Williams est couronnée pour Ma semaine avec Marilyn dans la catégorie comédie, 53 ans après que Marilyn Monroe l’ait été pour Certains l’aiment chaud.
De cette cérémonie, on ne retiendra pas les blagues du comique britannique Ricky Gervais, chargé d’animer la cérémonie pour la troisième année consécutive – il fut d’ailleurs moins féroce que d’habitude – mais plutôt l’émotion de Morgan Freeman en recevant le Golden Globe d’honneur pour l’ensemble de sa carrière par le grand Sydney Poitier, qui, à 85 ans, a conservé sa longue et élégante silhouette.
The Descendants, le rival des Oscars
Aujourd’hui, tout le monde a les Oscars en tête. Contrairement à ce que l’on peut lire parfois, les Golden Globes n’influenceront pas les nominations, dévoilées le 24 janvier, car les membres de l’Académie des Arts et des Sciences devaient remettre leur bulletin de vote avant le 13 janvier au soir, soit 2 jours avant les résultats des Golden Globes. Les pronostics restent donc ouverts et la tâche s’annonce nettement plus difficile pour l’équipe de The Artist: comédies et drames figurent dans la même catégorie aux Oscars, ce qui signifie pour Jean Dujardin des concurrents tels que Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, et surtout George Clooney, extrordinaire dans The Descendants, justement récompensé des Golden Globes comme meilleur acteur et film dans un drame. Ce n’est pas un hasard si les critiques de cinéma américains surnomment donc Dujardin le “Clooney français”: les deux acteurs risquent bien d’être les stars très attendues de la 84e cérémonie des Oscars, le 26 février prochain.