12 janvier 2025
Boulez 100, la culture en fête et en danger


Avec le lancement du centenaire Boulez au Ministère de la Culture, et, le soir du 6 janvier 2025 à la Philharmonie, avec le concert d’ouverture de cette année commémorative, on pourrait croire entendue la cause de la musique, et plus largement du spectacle vivant. Rachida Dati a maladroitement parlé de Pierre Boulez
comme d’une « figure populaire » et l’antithèse de « l’hermétisme auquel certains voudraient réduire l’avant-garde ». De fait, le programme présenté par l’Ensemble Intercontemporain, qu’il fonda en 1976, a démontré devant une salle pleine que ce qui était hier encore perçu comme « des expérimentations », est  entré au répertoire.
L’hédonisme chez ce grand intellectuel que fut Boulez s’affirme dans la virtuosité de la flûte de
Mémoriale, ou encore dans l’ivresse rythmique du violoncelle solo de Messagesquisse, avec Jean-
Quihen Queyras, ancien soliste de l’EIC comme Pierre-Laurent Aimard, qui, aux côtés de la flûtiste
Sophie Cherrier, affronte la technicité un peu compacte de la Sonatine, une des premières pages du
compositeur. Passons sur un Debussy, En blanc et noir, sans caractère, et une création à l’allure
hypnotique mais passablement anecdotique de Charlotte Bray.

Le devenir de la culture

C’est bien dans Répons, après l’entracte, que se révèle Boulez comme un génie des couleurs et des textures,
instrumentales et électroacoutiques, réinventant une tradition musicale qualifiée de française. Moins
acérée que Matthias Pintscher – son prédécesseur à la tête de l’Intercontemporain – et dans la lignée
de Boulez lui-même, la direction de Pierre Bleuse se distingue par un mélange de clarté et de
souplesse, qui met en avant, avec un naturel évident, les jeux de combinaisons prolongés par une
informatique musicale à la rondeur sensuelle inattendue. Entre le spectacle sonore de la
spatialisation et le cisèlement des timbres, ce Répons anniversaire sort définitivement du laboratoire
pour devenir un classique qui peut fasciner les novices et réjouir les connaisseurs. L’autre grand
moment de ce centenaire doté d’un budget communication XXL sera le 26 mars prochain, Rituel que l’Orchestre de Paris, donnera, sous la direction de Esa-Pekka Salonen, avec une chorégraphie de Benjamin Millepied, dans le cadre du L.A. Dance Project. Espérons que la soirée sera plus heureuse que celle donnée par l’orchestre Les Siècles dans le cycle Pli selon Pli, au Théâtre des Champs-Elysées le 7 janvier 2025.
A voir Rachida Dati, mercredi soir, à la finale du Concours Voix d’Outre-mer (tenant, avec ses candidatures contrastées, autant de l’aménagement du territoire au-delà de la métropole, que de la musique) on pourrait oublier que la culture est en danger. Ainsi, les coupes budgétaires dont son Ministère fait l’objet- la palme de la brutalité revenant à Christelle Morançais,  présidente de la région Pays de la Loire, avec la perte des deux tiers de son budget – Angers Nantes Opéra perdant 350 000 euros, soit l’intégralité de sa subvention de fonctionnement. Pourtant, dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, la culture semble plus jamais essentielle comme un des derniers remparts contre la barbarie fomentée par les asservissements économiques et religieux.

Par Gilles Charlassier

 

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