Erik Orsenna sait raconter les histoires. Pour s’attaquer au Tapie des médias, Vincent Bolloré, l’ancien prof d’économie, conseiller de Mitterrand, Prix Goncourt pour L’Exposition coloniale revenant sur sa passion de l’Afrique conjuguée avec celle de la Bretagne ce qui nous mène au fief historique de la famille du tycoon français que l’académicien s’offre malicieusement suite à son appétit d’ogre, y compris sur les maisons d’édition. Lèse majesté que celui qui a commencé son ascension avec du papier cigarette OCB puis dans les ports africains jusqu’à avaler Canal plus, I TV devenue la nauséabonde CNews, Europe 1 ou encore feu le JDD. Car si « aucun biberon n’est assez grand pour lui », le neveu du patron d’entreprise a des rêves de grandeur dès ses huit ans, de retour des dolmens de Carnac. Erik Orsenna s’interroge à propos de « la responsabilité des mères », et tacle celui qu’il appelle le Breton-il a vu les meilleurs avocats parisiens- en rappelant que « la grosseur n’est pas la grandeur » et que « créer n’est pas accumuler. Ni entreprendre avaler ». Au fil des courts chapitres, l’écrivain égrène les lois d’airain du commerce comme la patience, le recours aux poulies ou s’amuse à donner un cours d’économie sur les matières premières en bon connaisseur; sans oublier la galerie de portraits, entre père et fils Lagardère ou l’humour, en s’adressant à son lecteur: « Si, néanmoins, vous êtes de celles et ceux que le sexe intéresse plus que la Finance durable, prenez contact avec l’éditeur de votre narrateur. Une version non expurgée de ce petit conte vous sera envoyée sans frais. » Une planque plus tard à la villa Montmorency où l’Ogre côtoie le Nain- ça c’est de moi!- et le narrateur se transforme en enquêteur nostalgique des anciens médias avalés par l’Ogre. Gageons que Bolloré tentera de donner du fil à retordre à ce petit chenapan d’Eric Orsenna qui nous régale encore une fois de sa plume enjouée et complice.
LM
Histoire d’un ogre de Erik Orsenna, éditions Gallimard, 18,50€