Son éditeur en est amoureux, sa sensibilité et sa poésie sont remarquables, Bernard Chenez « l’être le plus délicat au monde » selon Gilles Cohen Solal, co-fondateur de la maison d’éditions Héloise d’Ormesson, sort son premier livre illustré, Journal sans heure, un voyage intemporel entre les lignes de pensées sur l’existence, entre les traits de dessins sur la femme aimée.
Ce dessinateur de 65 ans commence sa carrière au Monde, puis L’Evénement du jeudi, et travaille aujourd’hui à l’Equipe en tant qu’éditorialiste. Auteur du roman Le Resquilleur du Louvre paru en 2005, Bernard Chenez est un passionné d’art, et un amoureux des femmes.
Une œuvre « OVNI »
Journal sans heure c’est un livre bleu, synonyme de rêverie, de sagesse et de sérénité, couleur de l’introspection, ponctué par des dessins au goût d’une éternité susurrée par les contours du corps des femmes, et du langage poétique, laconique de phrases qui ne retiennent que l’essentiel, pour un effet suggestif poignant. « J’ai voulu aller à la source des choses » explique Bernard Chenez pour justifier le modèle de la femme nue, « version la plus classique du corps de la femme » tout comme son écriture se veut aller « au plus juste » de ce qui est, sans emphase ni prétention. Voilà la qualité évidente de cet auteur-dessinateur : la sincérité. La première page du livre aborde le thème universel du double, de la schizophrénie latente que chacun d’entre nous peut être amené à éprouver, cette « partie de nous avec laquelle on cohabite », et qui représente notre moi intérieur, notre être le plus profond, celui qui justement nous transporte dans nos révoltes les plus enfouies. « Si ce n’est pas pour crier, ce n’est pas la peine d’écrire » dit-il dans l’ouvrage, cette révolte qui nous anime et qui prend parfois le dessus, pouvant tout aussi bien être poétique et « crier la beauté des choses ».
Les secrets d’une révélation
Son livre compose ainsi entre l’anglais et le français, proposant une version par page d’une langue à l’autre, tout comme La triste fin du petit enfant Huitre de Tim Burton, ouvrage qui associe illustrations et textes. Une comparaison qui n’est pas sans lien avec l’idée naissante du projet : « J’ai eu l’idée à New York, je visitais une expo de Tim Burton et j’ai su tout d’un coup ce que je pouvais faire d’une partie de mes phrases et de mes dessins ». L’auteur rappelle que celui qui est aujourd’hui principalement connu pour sa carrière cinématographique était à l’origine un dessinateur de presse puis de cartoons et de dessins animés. Il s’est donc mis à étaler les phrases photocopiées d’écrits conservés depuis une dizaine d’années, les a assemblées, comparées, associées, et apposées aux dessins pour créer l’humeur qu’il a choisi d’exprimer, « comme un puzzle ». La dernière pièce de l’ensemble isole une question qui traduit le vertige de la temporalité, l’angoisse de l’être et de l’existant : « la lucidité du temps qui passe et qui est le loup de chacun ». Mais ceci n’est pas un adieu, bien au contraire, « c’est une porte qui s’ouvre et qu'(il) ne veu(t) pas refermer », une nouvelle forme d’expression, qui se concrétisera bientôt par un nouveau Tome, pour notre plus grand plaisir.
Par Marie Fouquet
Journal sans heure, Bernard Chenez, chez Héloise d’Ormesson, 17€