22 juillet 2024
Benoit Duteurtre, le havrais talentueux

La Manche va devoir apprendre à se passer de lui qui l’avait si bien décrite dans Les pieds dans l’eau, éditions Gallimard. Les auditeurs de France Musique aussi où, depuis 1999, il officiait, interviewant avec malice et générosité son invité chaque samedi matin. Mais, Benoît Duteurtre ne nous étonnera plus. Il est mort d’une crise cardiaque ce mardi 16 juillet 2024, Il avait 64 ans mais en faisait dix de moins avec son visage de poupon. Sans doute avait-il encore plein d’histoires à raconter, avec sa plume virevoltante comme lorsqu’il décrivait ses bains de mer à Etretat. Pas de sable, mais des galets dont il était habitué, lui l’enfant du Havre, arrière-petit fils du dernier président de la IVeme République, René Coty. Touche à tout, ses connaissances musicales étaient sans limite, au nom d’un éclectisme et d’une érudition revigorante, pas prétentieux pour un sou. D’ailleurs son cv en témoigne, de chroniqueur pour Le Monde de la musique en passant par Playboy; si Pif gadget avait eu une section musique, il en aurait été aussi.

C’était mieux avant?

Côté littérature, il avait tout essayé, romans, nouvelles essais, récits et était admiré par Milan Kundera-excusez du peu. Au total, vingt-cinq romans où il tentait de s’amuser de notre époque où la beauté, les petits riens qui donnent du sel à la vie étaient, selon lui, en voie de disparition. Ainsi Tout doit disparaitre, publié en 1992 avait ouvert sa collaboration avec Gallimard, avec un Prix Médicis à la clé, en 2001 pour Le voyage en France. Il était si français que les frontières de l’hexagone lui suffisaient comme terrain de jeu, saluant régulièrement sa ville natale, Le Havre; il n’y avait que lui pour rendre charmante une ville aux allures stalinienne, quasi entièrement détruite à la seconde guerre mondiale par les bombardements alliés. Monté à Paris avec en poche une licence de musicologie, il avait été vendeur au BHV et pianiste de cours de danse. Le succès venu, il disait pratiquer une « littérature de basse-cour », décrivant les affres de notre époque, en colère contre Anne Hidalgo et ce qu’elle faisait à Paris dans Les Dents de la maire : Souffrances d’un piéton de Paris, nostalgique de cette France surannée à laquelle il savait si bien rendre hommage. Il va nous manquer. 

Par Laetitia Monsacré

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