Si l’on en croit le nombre d’articles publiés, c’était sans doute un des albums les plus attendus de cette année. Il faut dire qu’avec La Superbe, Benjamin Biolay est devenu l’un des chanteurs les plus « bankables » de la variété française. Et ce statut n’est pas immérité tant il est vrai que ce double-album sorti il y a trois ans manifestait le talent d’une œuvre au long court, qui fut pendant longtemps bannie des grandes ondes, à cause de sa noirceur peut-être, ou de son désenchantement. La Superbe s’était fait remarqué par la liberté qu’avait prise son auteur pour le sortir en-dehors des cases conventionnelles de l’échiquier commercial. On ne peut pas apprécier la même audace pour ce nouvel opus, dont la pochette déjà très pop annonce l’aspect «mainstream », voire kitsch de l’ensemble. Et en effet, certains beats et certains synthés (Marlène Déconne, L’insigne honneur) rappellent les grandes heures du post-punk et de la cold-wave des années 80. Mais ce rappel produit quelque chose de plus régressif que seulement nostalgique (les claps sur L’insigne honneur sont particulièrement catastrophiques) et ne met pas en valeur les qualités d’arrangeur et de mélodiste de Biolay. L’ensemble est correct mais sans plus… et manque par là quelque peu d’intérêt.
Des invités de prestige
Une multitude de collaborateurs célèbres ont été engagés pour l’occasion : la frêle voix de Vanessa Paradis sur Profite, le « spoken word » de Carl Barât (l’autre grande figure, avec Pete Doherty, des Libertines) sur le morceau éponyme de l’album – sans doute l’un des meilleurs – comme la très jolie mélodie avec Julia Stone (du duo Angus & Julia Stone) en VF sur Confettis -un échange de bons procédés car Biolay chante en anglais sur son dernier single. La grande nouveauté de cet album réside dans les deux invités d’une autre scène musicale que l’on peut entendre respectivement sur Ne regrette rien et Belle époque (Night shop #2) . La Vengeance que porte comme titre ce nouvel album est peut-être celle des tendances hip-hop de Biolay qui semblent s’être libérées lors de la création de ses nouveaux morceaux, et les présences d’Orelsan et d’Oxmo Puccino sont les conséquences concrètes de cette libération. Les sons de Belle époque sur lequel se pose ce dernier, sont typiques d’un certain rap des années 90, avec cette ambiance jazzy et sa phrase de saxophone sur le refrain. Mais la prestation de l’invité écrase celle de la vedette, Puccino ayant derrière lui une longue expérience dans le domaine du verbe rappé. Ce qui fait qu’on regrette presque ce choix que l’on sait personnel (et peut-être aussi un peu intéressé, ces deux rappeurs s’étant déjà tous deux fait reconnaître, par le public et la critique, comme des « valeurs actuelles »), préférant qu’il eu fait preuve davantage de courage et d’inventivité.
Par Romain Breton
La Vengeance de Benjamin Biolay chez Naïve 15,99 euros