30 mai 2012
Au secours!

Pour saugrenue qu’elle puisse paraître de prime abord, l’idée de donner une adaptation pop-rock du Couronnement de Poppée semblait pourtant prometteuse. La musique de Monteverdi est en effet l’une des plus rythmées de tout le répertoire dit classique. Hélas, avec en lieu et place de l’ orchestre, des claviers électroniques, des basses éléctriques et une batterie, même si quelques  passages plus lyriques s’en sortent mieux-grâce notamment à la chanteuse interpretant Octavie, le travail de Michael Torke aplatit les reliefs de la géniale partition du maître de Crémone, sans compter une acoustique plus d’une fois saturée par une amplification prête à remplir le stade de France.

Si l’on espérait se consoler avec la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti et Pierrick Sorin, il vaut mieux partager leurs goûts particuliers de costumes en vinyle rouge et noir, rangers à l’appui, que l’on croirait conçus pour une leather party. On sait que les Romains aimaient les orgies, mais de là à fourrer tout le monde dans la même partouse vestimentaire – à part la vertueuse Octavie bien entendue et une Poppée absolutely fabulous… C’est d’ailleurs aux séries B que font songer les vidéos de Pierrick Sorin, avec un déguisement d’Othon, Benjamin Biolay totalement absent,  rideau à frou frou  sur la tête et poignard à la main d’un ridicule anthologique. On ne s’attardera pas d’ailleurs sur la médiocrité des chanteurs, venus du monde de la pop, exceptée Valérie Gabail dont on se demande ce qu’elle est venue faire dans cette galère.

Passés les premiers saluts soutenus par les musiciens bissant les meilleurs thèmes de la soirée, comme c’est l’usage dans le music-hall, qui feraient croire à un incompréhensible succès public, les sièges vides se font entendre dans la relative mollesse des applaudissements. On serait curieux de savoir ce qu’en aurait pensé Monteverdi, lui qui fut l’un des premiers à écrire pour les théâtres payants, démocratisant un genre jusqu’alors réservé aux cours princières. Si on ne peut faire parler les morts, mieux vaudrait cependant ne pas trop les solliciter, leur poussière risquerait de couvrir cette remarquable gabegie. Ce qui serait bien dommage.

Par Gilles Charlassier

 

Théâtre du Châtelet-jusqu’au 7 juin 2012

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