Que ce soit s’écrivant avec un G sur le site du Huffington Post, avec un Q pour le Herald Tribune ou un K pour l’ensemble des journaux français, Muammar Kadhafi est mort. Les images de son corps ensanglanté tournent en boucle sur les chaines d’info continue avec de temps à autre l’avertissement « attention ces images peuvent être choquantes ». Pas plus que celles, en mai dernier, de la dépouille de Ben Laden est-on tenté de rappeler…Le sang de l’assassin a coulé, allelluia ? « Personne ne doit se réjouir de la mort d’un homme » a rappelé Nicolas Sarkozy qui a pourtant quelque raison de se sentir sinon heureux au moins soulagé que le colonel ne puisse plus parler. On serait presque tenté de croire qu’il s’est offert un très original cadeau de naissance. Reste que c’est toute la question de savoir jusqu’où l’on peut aller avec les images qui se pose ici. Et pourquoi l’illustration a pris le pas sur l’information. En quoi consiste désormais le travail d’un rédacteur en chef face à la profusion de vidéos tournées avec des téléphones portables qui circulaient sur le net dès jeudi après midi? Et quel est celui des photographes professionnels qui en sont réduit comme Christophe Desmazes, premier à être sur place pour l’ AFP, à prendre en photo un écran de portable pour avoir l’image que le monde entier attend? L’image est désormais toute puissante mais à quoi a-t’ elle renoncé pour le devenir? Elle est aujourd’hui sale, mal cadrée et prétexte à toutes les formes de voyeurisme, transformant chacun de nous en otage devant notre télé. Comme si, à l’image de Faust, elle avait vendue son âme au diable pour régner sans partage et dans la surenchère perpétuelle. Ce jeudi, c’était à qui aurait la vidéo la plus « gore » sur l’exécution de Kadhafi. L’homme n’était pas aimable, personne ne le regrettera; mais les images sacrificielles dont se repaissent les médias occidentaux pourraient bien se retourner contre nous en suscitant dans les pays arabes-où l’on a grand respect pour les morts-des vocations. Des images gratuites qui nous couteraient alors très cher…
par Laetitia Monsacré