Amin Maalouf recourt à une forme d’autofiction dans son dernier roman Les Désorientés, dans lequel il choisit un thème qui lui est cher et personnel : le retour à l’origine ; qu’elle soit géographique, familiale et intérieure.
L’aventure d’une écriture
Les Désorientés, c’est un historien qui revient dans son pays après 30 ans d’absence, suite au coup de fil d’un ancien ami à l’aube de la mort. L’occasion pour le protagoniste de revenir sur un chemin depuis longtemps abandonné, et dont on ne se prive pas de lui rappeler plus ou moins subtilement à son arrivée. Ils y a ceux qui sont restés, qui ont cru à un pays sur la voie de la pacification des appartenances religieuses et politiques, la régulation des clivages sociaux et l’apaisement de la corruption ; et il y a ceux qui y ont renoncé, ne percevant plus pour leur condition le prisme d’un espoir. Adam est un exilé, il n’est pas le premier et ne sera certainement pas le dernier. Mais il témoigne d’une situation devenant de plus en plus commune, au travers d’une double écriture, imitant la position ambiguë du narrateur : celle qui narre le déroulement des événements qu’il vit pendant son séjour, et celle, plus introspective, du roman qu’il est en train d’écrire, l’emprunte d’un temps perdu. Ecrire apparaît alors comme le moyen ultime de prendre de la distance et d’analyser une situation difficile à éprouver au quotidien de façon naturelle et active seulement.
Seize jours pour seize chapitres, la trame tisse le parcours de cet étranger familier, des retrouvailles heureuses ou incongrues, des clarifications de situations entre les amis d’enfance séparés par un destin borné, et surtout la réunion de tout un groupe d’âmes liées par leurs souvenirs de jeunesse. En recherchant à retrouver les autres exilés du groupe, Adam se lance dans l’exploration des méandres de sa mémoire, de l’autre côté d’un fossé depuis longtemps creusé entre les traces d’un passé nébuleux et l’illusion d’un présent assumé. Une intrigue qui prend à sa fin une tournure un peu trop fantastiquo-tragique, non dénuée de poésie et de sensibilité mais dérangeant toutefois la vraisemblance inhérente au roman et la qualité d’un personnage équilibriste fascinant d’authenticité.