En ce mois de janvier où l’hiver daigne enfin montrer le bout de ses moufles, Saint-Sulpice est décidément l’endroit où le monde musical vient communier. Après Michel Delpech, c’est Pierre Boulez qui réunit les héritiers de l’avant-garde sérielle, au lendemain de l’inhumation du compositeur et chef d’orchestre français à Baden-Baden, auxquels se sont mêlés amateurs et mélomanes du quartier, à condition bien entendu de passer le filtre des services de sécurité du Premier Ministre sur le parvis, bouclé pour l’occasion. Car, à défaut d’être venu avec sa moustache, Manuel Valls, vraisemblablement poussé par sa femme violoniste, Anne Gravoin, est venu gonfler le premier rang des officiels pénétrés de sérieux, avec Fleur Pellerin aux côtés de ses prédécesseurs Jack Lang et Jacques Toubon.
Au fil d’une liturgie condensée et minimale, sont venus témoigner trois figures éminentes proches de Boulez. Si le chef Daniel Barenboim a retracé leur collaboration, c’est l’architecte Renzo Piano, créateur du Centre Pompidou, qui a esquissé, sans notes, le portrait le plus vivant du défunt et d’une époque où exigence rimait avait innovation, quand Laurent Bayle, le directeur de la Philharmonie, finit sa nécrologie sur une note d’attachement filial où pointe une émotion palpable. Tandis qu’entre l’orgue de Bach et de Messaien, les musiciens de l’ensemble Intercontemporain ont livré plusieurs pages d’un musicien moins intellectualiste que sa réputation, avec une frêle et fascinante Mémoriale, pour flûte et huit instruments… preuve que sans susciter la ferveur populaire, l’hommage ne se cantonnait pas à l’élitisme.
GC