Un demi-siècle déjà pour le plus grand théâtre du monde! Avignon est envahi, depuis début juillet, par les pancartes-on annonce 12 tonnes de déchets- sans compter le guide gratuit qui recense toutes les pièces jouées-un bottin de plus de 300 pages qui fait office de guide répertoriant quasiment 1500 pièces. Après un démarrage un peu lent et des festivaliers qui restent de moins en moins longtemps-trois jours contre une semaine auparavant, le week-end du 14 juillet affichait toutefois complet dans bien des théâtres, remplissant leurs salles aussi bien avec des pièces ayant fait leurs preuves sur les éditions précédentes qu’avec des créations. Ainsi, Ensemble de Fabio Mara dans lequel l’auteur napolitain interprète un simple d’esprit vivant avec sa mère, jouée par Catherine Arditi, parfaite. On rit très souvent de ce triangle composé de cette mère entière, de son fils simplet et de cette soeur carriériste; des relations à la fois tendres et vaches pour une réflexion sur la normalité avec des dialogues qui font souvent mouche même si l’ensemble laisse un peu sur sa faim, les ressorts psychologiques étant ramenés à leur minimum.
Deux voix, deux amis…
Voilà un écueil dans lequel la pièce Le Chien d’Eric Emmanuel Schmidt ne tombe pas. L’histoire? Celle d’ un homme, véritable« nid de mystères » pour sa fille et son ami, qui tente de percer le pourquoi de son suicide après la mort de son fidèle chien, Arkos. Toute la plume aboutie et féconde de E.E Schmidt, romancier ô combien prolixe et dont le festival propose trois autres pièces, prend ainsi vie dans la voix de Mathieu Barbier et de son complice Patrice Drehent dans cette histoire qui sent bon le scénario de film. Le chien y est tantôt le sauveur, l’ « expression physique du père » et la part la plus humaine de « ce héros qui a essayé d’être un homme toute sa vie ». Une vie commencée de la pire des façons où il concédera avoir eu pour tenir « plus besoin de ses chiens que, eux, de lui ».
Ou mère et fille pour un dédoublement inspiré
Un récit saisissant d’humanité tout comme celui que nous offre Camille contre Claudel, pièce jouée et écrite par Hélène Zidi et sa fille, Lola. L’idée: confronter Camille Claudel jeune à la recluse qu’elle est plus tard devenue, enfermée dans un asile par sa propre famille. Un dialogue inspiré et joué avec ferveur par les deux interprètes, l’une rajeunissant tandis que l’autre vieillit sur fond d’amour passion avec Rodin, dont la voix s’élève dans le théâtre grâce à Gérard Depardieu. De l’émotion jusque dans les saluts pour la mère et la fille qui offrent un beau moment de théâtre devant une salle comble.
Le seul en scène, l’autre grand gagnant du Festival
Elles le sont ainsi souvent pour les reprises qui ont bénéficié du bouche à oreilles des autres éditions et de la presse, avec cette idée que l’on ne prête, ici comme ailleurs, qu’aux riches. Les festivaliers se pressaient donc pour découvrir Monsieur Motobécane, un seul en scène avec le comédien Bernard Crombey accompagné de sa mobylette bleue; un accent chti à couper au couteau pour raconter de sa cellule sa triste histoire avec la petite Amandine, une petiote de 8 ans, à laquelle les juges « n’ont rien compris ». La misère, la naïveté, la violence, voilà le cocktail malheureux de ce témoignage émouvant d’un pauvre diable parmi tant d’autres qui a voulu bien faire dans une société avide de normalité et qui broie ceux qui s’en éloignent. Voilà qui montre bien que du XIXème siècle à nos jours, les choses, que l’on soit artiste ou issu de la France d’en bas, ont peu changé…
Par la rédaction
Festival du off, Avignon :Ensemble, au Théâtre de la Luna, à 19h45 jusqu’au 31 juillet 2016
Le Chien, à l’Espace Roseau Teinturiers, à 11 heures jusqu’au 30 juillet 2016
Camille contre Claudel, au Théâtre du Roi René, à 14h jusqu’au 30 juillet 2016
Monsieur Motobécane, au Théâtre du Roi René, à 16h 05