Dans Onéguine, ils sont quatre; deux couples qui, dans la Russie du XIXème siècle vont s’aimer et traverser les affres des sentiments-jalousie, indifférence, humiliation. « Quand je n’ai pas d’honneur, il n’existe plus d’honneur ». A travers cette devise d’Onéguine, le drame Pouchkinien est annoncé. Premier couple plein d’innocence, Olga- Myriam Ould-Braham et Lenski-Joshua Hoffalt sont amoureux et enchainent les entrechats dans un pas de deux où la danseuse, bras tremblant, nous laisse dans un désagréable suspens-va-t’elle y arriver? Alors, lorsqu’Aurélie Dupont apparait, jouant l’autre soeur, Tatiana, et qu’elle se met à danser avec Onéguine, c’est toute la maitrise dans cet abandon qu’elle sait mieux que quiconque rendre visible, qui se déploie sur la scène de Garnier. Et donne à voir un des plus beaux ballets de l’année, avec des décors et costumes de Jurgen Rose absolument magnifiques-entre la reconstitution de la Datcha ou de la chambre de Tatiana avec son jeu de miroirs, la musique de Tchaikovski interprétée avec générosité par le chef d’orchestre James Tuggle et bien sur, cette chorégraphie brillante et ô combien vivante de John Cranko, aussi à l’aise dans les pas de deux que les tableaux de groupe. Le chorégraphe né en Afrique du Sud l’a composé en 1965, lui qui eut une carrière fulgurante avant de mourir d’une crise cardiaque à 46 ans. John Neumeier a eu le privilège de passer par le ballet de Stuttgart alors qu’il le dirigeait et il est certain que sa « Dame aux camélias » s’est fortement inspirée de ce ballet qui n’a pas pris une ride.
Un magnifique remplaçant
C’est avec Nicolas le Riche qu’Aurélie Dupont devait initialement danser, reformant pour l’occasion le plus beau duo sur scène qu’il soit donné actuellement de voir…oui, mais voilà, Cendrillon, qu’il devait également danser à Bastille a eu raison de lui- une blessure et c’est Evan McKie qui, au pied levé-c’est le cas de le dire- l’a remplacé, magnifique silhouette élancée, à la technique parfaite. Leur rencontre? Elle se fait tout d’abord du bout des pointes, puis la passion arrive une fois dans la chambre où, en rêve, ils se mettent à danser, avec une grâce et une sensualité digne des plus grands d’autant qu’ils n’ont eu que quelques répétitions pour se caler. « She’s amazing » dit d’elle en coulisse le danseur canadien. Et c’est vrai qu’à quasiment quarante ans, celle qui signe ces autographes d’une étoile, mérite résolument ce titre, brillant comme nulle autre au firmament…