D’aucuns consomment du champagne toute l’année, mais c’est avec Noël et le réveillon que traditionnellement les bouchons sautent en plus grand nombre. Racheté par Paul-François et Nathalie Vranken au groupe LVMH en 2002, La maison Pommery est une affaire de femme depuis que la veuve »Pommery » (moins célèbre que Cliquot) invente à la fin du XIXe siècle le brut et les prémices du marketing; de quoi poser les jalons de cette marque qui a aujourd’hui une image ultra créative et bigrement artistique. Il faut dire que Nathalie Vranken, ancienne élève de l’Ecole du Louvre-« la première année consacrée à la taille du silex a eu raison de moi »– a un dynamisme et des idées à revendre. Outre, les plus grands happenings autour de l’art contemporain avec la Fiac, l’ Armory Show à New York et la Frieze Art de Londres, voilà neuf ans que les caves- on ne dit jamais chais pour le champagne – Pommery accueillent dans leur magnifique domaine à l’architecture gothique néo-élisabéthain d’inspiration anglaise, au coeur de Reims, les « Expériences Pommery », avec un commissaire d’exposition invité pour une installation artistique en sous sol. Cette année, c’est Claire Steabler-habituée du Palais de Tokyo et Charles Carcopino-Directeur artistique du très créatif Mac de Créteil qui se sont essayés à l’exercice, avec un désirata : joindre le sonore au visuel car si la danse des bulles est agréable à regarder ainsi que le galbe des bouteilles ou leurs étiquettes colorées, le « pop » du bouchon n’est pas mal non plus, dans ce qu’il annonce de réjouissances… L’objectif des cette installation:associer création sonore et visuelle en respectant l’harmonie des lieux.
L’humidité omniprésente
Alors, tous deux, elle pour les arts plastiques et lui, plus pour l’aspect numérique ont demandé à trente artistes de venir fabriquer du son à 30 mètres de profondeur avec comme contrainte, les trois règles de toute bonne cave à champagne: peu de lumière, beaucoup d’humidité et une température constante à 10°. Et l’interdiction d’avoir des sons à basse fréquence qui, avec leurs vibrations, feraient virer le champagne, « avec une odeur d’oeuf pourri très marquée » dixit le chef de cave, Thierry Gasco.C’est donc sur un parcours d’un peu plus d’un kilomètre sur les 18 que compte la cave, avec des panneaux aux noms plus ou moins exotiques de villes-Buenos Aires, Miami, Monaco que l’on se repère dans ce dédale pour découvrir ce que ces deux là ont bien pu trouver. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que des trouvailles, il y en a. Ainsi, cette oeuvre de Pierre Laurent Cassière, rayon laser qui descend la crayère Notre Dame-du nom d’une statue de vierge datant du XIVe siècle qui veille sur ce lieu rendu iréel- et qui, au contact de la brume créee, produit un son tel un doux bourdon entre mer et bruit d’autoroute lointain. À coté, bien sages des bouteilles parmi les 25 millions que compte la cave attendent tranquillement, nues et encapsulées, de revêtir dans un trentaine de mois, étiquettes et bouchon de liège pour finir sur les tables du monde entier. Autre installation, un bassin d’eau avec deux haut parleurs immergés, diffuse une onde sur le mur, oeuvre d’art vivante et incroyablement inventive et esthetique de Thomas MacIntosh,un artiste anglais dont on entendra sans aucun doute reparler.
Des créations qui jouent avec le visiteur
Certaines oeuvres ont été crées in situ specialement pour l’occasion comme cette magnifique toupie qui monte dans une crayère, entierement constituée de plaques vissées pour évoquer le son des bulles qui montent dans un verre et qui a demandé un mois de travail pour l’installer à Robin Meier et Ali Momeni, ses deux créateurs. D’autres se déclenchent avec le passage du visiteur qui est envisagé sur toute l’exposition comme un partenaire, pas un simple spectateur. Ainsi peut-il prendre une masse pour mesurer le niveau sonore de son coup ou bien assister à un concert de mini instruments de musiques détournés et mécanisés. Jacques Remus, bien connu pour son travail aux Arts Forains a lui, prêté son orguabulles, ensemble de tuyaux dont le son varie en fonction de leur immersion dans un liquide phosphorescent. Et ce qui est incroyable, c’est de voir au fil de la visite que cet « art « en cave a été inventé par Louise Pommery il y a plus d’un siècle! En témoigne les bas reliefs du sculpteur Henri Navlet commandés en 1882 pour « décorer » les murs des caves. Une tradition artistique que la maison perpétue depuis avec un bas relief de Daniel Buren, exécuté en 2007 ou l’oeuvre de Daniel Firman, dans le grand hall d’entrée, une sculpture d’ éléphant à l’envers. Et comme un sens sollicité en appelle un autre, la visite se termine avec une coupe de champagne, comme il se doit. Lequel existe en une multitude de versions, du Nabuchodonosor-l’équivalent de 20 bouteilles-au Sublime-150 bouteilles, prix sur commande…que vous pourrez trouver dans la boutique où la gamme Pommery se décline avec la cuvée Louise, le Rosé Apanage, les housses ou les mini bouteilles Pop, relookées par des artistes comme Federica Matta, Manish Arora ou Maurizio Galante à moins que le développement durable ne soit votre dada avec la collection Earth, classique et rosé, une bouteille en verre allégé, une étiquette sur papier recyclé et sans solvant pour l’encre. De quoi repartir avec des munitions à coupler avec un détour par la Côte des blancs, cette région au sud d’Epernay où le cépage Chardonnay donnent de merveilleux champagnes issus de petits producteurs à des prix bien plus sages-je tiens ça du chauffeur de taxi…
Par Laetitia Monsacré
La Fabrique sonore, Expérience Pommery, jusqu’au 31 mars 2012