2 février 2025
Mendelssohn sans chef à Lille

L’ouverture à un large public, et plus particulièrement celui de demain, donne lieu à des initiatives et des incitations diverses, souvent axées autour de l’accessibilité tarifaire. Pour le programme Mendelssohn de David Grimal, l’Orchestre national de Lille et son association de mécènes et de partenaires, Arpège, ont invité 700 étudiants dans l’auditorium du Nouveau Siècle – qui fermera en mars pour un an de travaux de rénovation. Si certains assistent sans doute à leur premier concert en salle, ils ne seront pas les seuls à faite une expérience inédite. Car, dans la lignée de ce qu’il pratique avec d’autres formations où il est invité, David Grimal prolonge avec les pupitres lillois l’expérience qu’il mène depuis une dizaine d’années avec Les Dissonances, celle d’un orchestre sans chef, favorisant la construction collective de l’interprétation – en rupture avec une certaine culture hériarchique sinon démiurgique dans la pratique musicale.

En réunissant trois des œuvres les plus connues de Mendelssohn, le programme que le soliste propose permet de mesurer ce que ce dispositif orginal apporte en regard des habitudes traditionnelles de jeu et d’écoute. Avec ses ondoiments tempétueux, l’ouverture Les Hébrides n’est peut-être pas la page la plus propice à ce dispositif. La vigilance que l’absence de baguette impose aux pupitres lillois conduit à une modération du tempo adoucissant de la sauvagerie des éléments. L’évocation d’une nature hostile se dessine avec une netteté plus proche de l’équilibre du pastel que des contrastes à la Turner.

Un jeu frémissant de  sensibilité

Avec le Concerto pour violon n°2 en ré mineur, David Grimal entre en scène avec son archet frémissant, pour lequel l’orchestre se fait un écrin délicat. Le chatoiement des couleurs et l’allant du jeu imprime, dès les premières mesures de l’Allegro molto appassionato, une sensibilité volubile qui ne verse jamais dans l’exhibition. Cette sincérité dans le jeu se confirme avec un Andante au lyrisme naturel et bien calibré qui laisse s’épanouir une ligne de chant souple, filée attacca vers le finale, ainsi que l’exige la partition, un finale enlevé et aérien, aux allures de feu d’artifice. En bis, le violoniste français fait rayonner la douloureuse intériorité de la Melodia de la Sonate pour violon que Bartok composa pour Menuhin, œuvre testamentaire du compositeur hongrois alors exilé aux Etats-Unis où il meurt en 1945.

Mais c’est sans doute, après l’entracte, la Symphonie n°4 en la majeur, dite « Italienne », pour son inspiration puisée dans les images transalpines, que le travail de David Grimal livre le mieux ses fruits. L’Allegro vivace augural résonne avec une fraîcheur et une vitalité que l’on retrouve dans la tendresse nonchalante de l’Andante con moto et du Scherzo. Ce sens de la caractérisation éclôt tout à fait dans les rythmes du saltarello final, scandé par les cordes sur le chevalet, en un contagieux bonheur mimétique de la danse, formant un viatique pour la fin de soirée.

Par Gilles Charlassier

Orchestre national de Lille, février 2025

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