16 février 2025
Les dimanches matins de France Musique

Pour les matinaux du dimanche qui se lèvent à sept heures- tout commence avec Bach. Corinne Schneider est à l’antenne, pendant deux heures, pour réveiller ses auditeurs. Car, si Montaigne appréciait d’être réveillé par un  quatuor jouant chaque matin dans sa chambre, voilà qui est accessible à chacun aujourd’hui-les commentaires avisés des animateurs en plus, avec France Musique.  C’est ainsi que « le boss »,  le Cantor, que d’aucuns considèrent comme à l’origine de toute la musique classique qui suivra et à qui, selon Cioran, « Dieu devait tout »  est à l’honneur, entre ses Oratorios, ses Passionsde St Jean puis de St Matthieu-avec, pour la première fois le recours à un double coeur. De quoi révolutionner la musique liturgique mais pas seulement, pour ce virtuose en violon, alto ou orgue ; et au clavecin, partitions plus tard retranscrites pour le piano comme Les Variations de Goldberg ou Le Clavier bien tempéré. Avec plus de mille oeuvres répertoriées, le Bach du dimanche bénéficie d’une mine intarissable- ô combien plus intéressante que l’émission qui réveille le samedi matin, France Musique est à vous. Plus démagogue que mélomane en donnant la parole aux auditeurs, on y découvre que n’est pas animateur qui veut.

Merlin, l’enchanteur

A l’instar de sa consoeur, Denisa Kerschova qui fait les beaux matins de France Musique en semaine à dix heures trente (lire portrait), Christian Merlin est un conteur hors pair, avec une voix à lui donner le petit Jésus sans confession. L’écouter, c’est s’emplir de chaleur, d’intelligence où l’espièglerie n’est pas exempte; une cohorte d’anecdotes, de citations, des morceaux musicaux choisis en orfèvre, on est dans la haute joaillerie, accessible à tous, sans publicité (France Musique a essayé cet été avec un frigo US à 999€, juste après les confidences de la Callas, mais on suppose que LePariser n’a pas été le seul à écrire à Radio France).

Ce dimanche 16 février 2025, c’est Josef Krips qui était l’objet de toute son érudition; peu connu, il fut pourtant un des grands chefs d’orchestre autrichien, adoubé de son vivant par Richard Strauss mais restera, toute sa vie, un « second couteau », victime de la concurrence de Herbert Von Karayan, malgré la collaboration affichée de ce dernier avec le IIIème Reich, lequel se justifia avec l’idée que« l’art passe avant tout »-sic.

Josef Krips, fils d’un docteur juif, ne put recourir à ces « petits arrangements »; limogé par l’Autriche devenue nazie en 1938, c’était un honnête homme qui refusa, après la libération, d’établir une liste des musiciens à épurer. « De toutes les façons, il ne serait pas resté grand monde » s’amuse à le citer Christian Merlin, avant de préciser que Krips dirigea le premier fameux concert du Nouvel an à Vienne, avant de céder sa place à un ancien proche des nazis- la dénazification n’ayant pas fait long feu.

De l’enfance à la fin

Mais revenons à ses débuts, digne d’un roman dans le récit de l’animateur autodidacte, devenu critique musical pour Le Figaro. A 5 ans, Josef Krips demande à son père, comme cadeau d’anniversaire, d’aller à l’Opéra de Vienne voir Parsifal de Wagner; il s’endort mais le dirigera de nombreuses fois plus tard, notamment dans des décors, improvisés pendant l’ouverture, par un chef de plateau qui a l’idée- en leur absence- de tendre un drap en fond de scène et d’y peindre des arbres! Ah, le bon vieux temps, ce n’est pas à Bastille que l’on verrait cela où pour un oui ou un non, une représentation  est annulée, y compris devant une salle pleine comme pour la première de Paquita en décembre dernier.

Détecté par une chanteuse l’entendant jouer au piano, « il sera chef d’orchestre », c’est en cachette que le jeune Josef commencera à diriger à 19 ans l’orchestre du Volkstheatre, son père ne trouvant pas que musicien est un métier sérieux. D’autres parents ne l’ont pas contredit dans le futur…

La respiration, c’est l’âme

Rondouillard, toujours un cigare au bec comme Churchill (à croire que c’est le signe commun des grand hommes, n’est-ce pas Monsieur Trump, Poutine ou Macron?), Mozartien mais aussi attiré par la musique contemporaine, il jouera tout, de l’URSS aux USA ce qui lui vaudra, en plein maccarthisme de se retrouver déporté avec sa femme, laquelle nuançait ses jurons en allemand, en rassurant les orchestres: « Il dit que c’était très bien mais que cela pourra être mieux demain! ». Ouverture de La Traviata, Requiem de Mozart, Le Champ de la terre de Mahler, déjà deux heures que Christian Merlin caresse nos oreilles, avant de laisser la place à Priscille Lafitte, voix chaude et élégante, pour une interview raffinée dans Musique emoi, avec ce jour-là, Jean-Louis Ezine comme invité. Ecrivain, journaliste et violoncelliste à ses heures, il précise que « la respiration, c’est l’âme » dans le jeu, citant son amie Anne Gastinel. Puis, il revient sur le talent des doigts et « Le violoncelle comme réparateur », des maladies ou encore pour Frédéric Lodéon, de sa timidité.

Il est midi, casque sur les oreilles, on revient d’un jogging sans Jim, désormais là-haut, où il doit continuer à écouter tous ces récits et notes envoutants.

LM

En replay sur France Musique

Articles similaires