Dans un mois de février qui est devenu au sortir de la pandémie une sorte de césure dans la saison du Metropolitan Opera – environ deux semaines au cœur de la période froide –, son voisin sur la place du Lincoln Center, le David Koch Theater, qui était le siège du New York City Opera, et désormais celui du New York City Ballet. Dans sa programmation d’hiver, ce dernier présente un triptyque qui offre un condensé de la danse outre-Atlantique d’aujourd’hui, avec une mise en regard de deux homonymes liés à la compagnie, Justin et Tiler Peck.
C’est avec une pièce du premier, chorégraphe associé, que s’ouvre la soirée. Sur une partition aux sonorités très post-modernes et assez consensuelles de Nico Muhly, nourries de jeux de timbres et de rythmes plutôt plaisants, les huit moments enchaînent, avec un sens évident de la cohérence formelle, différentes combinaisons, du solo, à l’exemple de celui, assez élégiaque, de Sebastian Villarini-Velez, juste avant le finale, un ensemble dynamique comme l’ouverture, en passant deux duos et un numéro concertant de Megan Fairchild avec les onze autres danseurs. En synchronie avec les tonalités pastel des costumes, la souplesse du geste croise et apparie sans heurts les corps, dans des figures qui ont l’allure d’un souvenir décanté de Balanchine et Robbins.
Héritage et vitalité contemporaine
La création de Tiler Peck, Principal du New York City Ballet, Concerto pour deux pianos, s’inspire de la vitalité de la musique de Poulenc, soutenue par la complémentarité de Hanna Kiù et Stephen Gosling. Les cinq solistes comme les quatorze autres interprètes défendent une écriture virtuose, dans des tableaux qui fait jubiler l’athlétisme de la danse. Après l’entracte, c’est un genre plus narratif, dont il est l’un des représentants les plus significatifs aujourd’hui, que met en avant Alexei Ratmansky dans Odesa. Sur les Sketches to Sunset que Leonid Desyatnikov composa pour l’adaptation cinématographique de la pièce Isaac Babel Sunset, la ballet fait se succéder les saynètes où entrent en collision l’amour et les rivalités de gangsters dans la ville ukrainienne éponyme après la Révolution Russe. Les touches tango et klezmer accompagnent des situations hautes en couleur et en archétypes émotionnels, servis avec une énergie communicative, qui permet au spectateur même peu averti, de suivre l’essentiel de l’histoire. Un bel exemple de synthèse entre héritage et fraîcheur contemporaine.
Traversant le continent, le San Francisco Ballet célèbre quant à lui une certaine tradition, avec deux icônes de la danse britannique : Kenneth MacMillian et Frederick Ashton.
Par Gilles Charlassier
New York City Ballet – San Francisco Ballet, février 2024