10 janvier 2023
A l’ombre d’une coiffeuse en fleurs/ Stéphane Carlier

A l’occasion du centenaire de la mort de Proust, une foule de livres sont sortis qu’Augustin Trapenard a fait découvrir aux spectateurs de La Grande Librairie à l’occasion d’un bonheur d’émission (à retrouver sur France Tv replay). Parmi les invités, Françoise Fabian, Valérie Bonneton à la lecture, Claire-Marie Le Guay au piano et l’auteur Stéphane Carlier qui publie chez Gallimard un très joli et accessible hommage au grand Marcel et sa Recherche du temps perdu avec Clara lit Proust. L’histoire d’une jeune coiffeuse à Châlon sur Saone qui, à la faveur d’un livre oublié par un client, va plonger dans l’univers de l’écrivain, au point d’en voir sa vie bouleversée. Les premières pages du livre font penser au film Venus Beauté; une patronne, amoureuse de Jacques Chirac, des employés qui végètent entre « l’envie de se pendre » ou la pause cigarette, le ballet des clientes, rien ne laisse présager que l’héroïne, Clara, sorte de son train-train, poulet haricot le dimanche chez ses parents et la cohabitation avec son petit ami, pompier, dont elle n’a plus envie. La découverte de cet auteur réputé difficile à lire avec ses phrases tiroirs et ses descriptions sur plusieurs pages ne va pas de soi « Ecrire autant de mots pour simplement dire qu’il n’arrive pas à dormir, ce type a un problème, il faut qu’il consulte », mais doucement Clara va s’habituer à « ses phrases qui vont voir ailleurs ». Alors, comme le dit Daniel Pennac, « on mesure la qualité d’un livre aux nombres de stations de métro qu’on loupe », Clara va rater la sienne avec l’évocation de la madeleine qui, chez elle, se traduit par le bruit de la tondeuse et l’odeur de l’herbe coupée. Odette et Swann? Clara découvre que l’on « décide d’aimer ». Lire Proust devient pour Clara comme « faire son yoga », bien qu’elle se demande « s’il ne pourrait pas aller à ligne plus souvent « . A sa lecture, Clara se découvre moins seule; car « il avait aussi peu sa place dans le monde que moi ». Dès lors, les moindres personnes que Clara croise deviennent proustiennes. Stéphane Carlier multiplie pour attraper son lecteur  les métaphores: « Que la vie ne soit qu’une comédie des apparences à peine plus plaisante qu’un reflux gastrique ». Avec Proust qu’elle imagine lui faire l’amour, Clara découvre l’extase même s’il est bien peu « instagrammable ». Et se retrouve, avec elle-même, comme « quelqu’un qui vous ressemble de loin ». Son existence en sera chamboulée, loin des odeurs de laque et des mises en plis. Vous l’aurez deviné, Clara lit Proust est un vrai régal qui donne une envie irrésistible de lire cet homme qui longtemps, s’est « couché de bonne heure ».

AW

Clara lit Proust de Stéphane Carlier, aux Editions Gallimard, 180 pages, 18, 50 €

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