Si voyager n’est pas chose des plus aisées en ces temps qui stagnent, voilà pourtant, en échange de quelques prélèvements nasaux, l’occasion de mettre en perspectives le beau village planétaire qu’est notre terre nourricière. Nous en étions restés en France à « l’arabe » venu d’Algérie, de Tunisie ou du Maroc car parlant notre langue et donc facilement intégrable. La seconde génération est d’ailleurs, il est utile de le rappeler, française de sol. Reste que l’épicier du coin, le livreur de pizza ou chauffeur VTC est bien souvent associé à un étranger, pour ne pas dire un immigré qui viendrai voler le pain du bon français.
En reportage à Dubaï, mon loueur de voiture à l’aéroport s’appelait Hassan; il était marocain. Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise que de l’entendre me dire, le plus sérieusement du monde, comme la ville- une des plus sécurisées au monde avec une dizaine de caméras au m2, était devenue de moins en moins sûre du fait « de tous ces Egyptiens, Indiens et Africains » venus y travailler. Pour un peu, il les auraient bien renvoyés dans leur pays, privant Dubaï de ces esclaves des temps modernes auxquels il ne manque que les chaînes, parqués dès leur sortie d’avion comme des veaux puis dirigés vers des cars brinquebalants jusqu’à leur descente, au petit matin, en file indienne, le regard perdu, pour embrayer sur des chantiers de grattes-ciel toujours plus hauts, plus obscènes les uns que les autres, tels des sexes dressés à la gloire de l’argent roi.
Et de me souvenir alors, lors de mon reportage à Noël, dans les stations de ski du Valais, en Suisse francophone, de la réponse à mon encontre, d’un bon gros père de famille devant ses deux fils- je lui avais lancé, à l’issue d’une conversation pas très cordiale, qu’il aurait mieux fait de ne pas se reproduire si c’était pour montrer un tel exemple : « J’ai très bien élevé mes fils: je leur ai appris que tout ce qui est de l’autre côté de la frontière, c’est de la merde! ».
Par Laetitia Monsacré