Emmanuel Poilâne, Directeur de la Fondation France Libertés nous a transmis ce beau texte de Danielle Mitterrand.
Voilà ce que nous avions mis en une pour rendre hommage à cette magnifique insoumise:
« Je suis fière de la cohérence de ma vie ». La phrase est belle à l’image de cette femme que je n’aurai pas eu le temps d’interviewer. A 87 ans le temps lui a- t-il à elle aussi manqué pour mener son combat inlassable depuis 70 ans contre les inégalités? Depuis qu’adolescente, elle décida d’entrer dans la résistance en 1941 pour ne plus jamais en sortir. Et quand 40 ans plus tard, elle devint première dame de France? A moi, il a manqué lorsqu’il y a un mois, sa fondation a fêté ses 25 ans et qu’à la faveur d’une interview donnée à Elise Lucet sur France 2, je l’ai entendue dire « Je suis opiniâtre, le jour où j’arrêterai d’agir, c’est que j’aurai baissé le rideau ». Je me suis dit alors que ce serait un bonheur et un honneur de l’avoir dans ces colonnes. Oui mais voilà, le temps m’a manqué. The Pariser est là, bien vivant à m’empêcher de dormir tel un nouveau né mais Danielle n’est plus là. Elle a sans doute rejoint tous ces hommes et femmes qui n’ont jamais courbé le dos. Qui ont accepté de prendre des coups pour ne jamais renoncer à s’indigner. Dire que non, ça ne va pas, que les choses ne peuvent rester comme cela.
L’obsession kurde
Pour Danielle, ce fut les kurdes dès 1986, année où elle créa sa fondation France Libertés. Elle s’engage alors pour le maire d’une ville du sud de cette région du monde, condamné à 14 ans de prison par les turcs. Son crime : avoir prononcé un discours en kurde. Puis deux ans plus tard, ce sera le nord avec Saddam Hussein et le gazage de la ville de Halabja, bilan 5000 morts en une nuit. Elle invente alors le droit d’ingérence et parle de ce peuple sans cesse dans les dîners officiels aux épouses des présidents américains-Laura Bush, Nancy Reagan, habituées à disserter de sujets plus légers…Oui mais voilà, en 1997, quand à l’issue de cinq ans de guerre, les deux chefs kurdes feront la paix, ce sera dans son bureau car il n’est pas de vain combat pour les intrépides et les opiniâtres. Cauchemar du quai d’Orsay, de temps à autre, son président de mari se fâchera contre celle qui est devenue la « mère des kurdes » et dont son beau frère Roger Hanin se moquait en disant :« Demandez l’heure à Danielle, elle vous répondra, il est cinq heures moins quatre kurdes ». Les kurdes qui ont décreté que mercredi serait un jour de deuil dans le Kurdistan irakien.
L’action sans répit
« Je ne me suis jamais ennuyée avec lui, » disait -elle de François Mitterrand qui lui avait imposé dès 1960 un pacte pour pouvoir vivre sa vie de son coté. Ces deux là s’étaient mariés jeunes, lui séduit par ce qu’il décrivait comme des « yeux de chat, admirables, fixés sur un au-delà dont j’ignore les bornes et les accidents ». A cette époque, les présidents savaient parler et les premières dames agir avec cette idée que « quand on est dans l’action, il ne peut y avoir d’échec. L’action est elle même une réussite. » Danielle, assurément, a eu cette réussite, mobilisée pour les sans papiers, l’accès à l’eau potable pour tous et juste avant l’été le gaz de schiste.
En 1994, elle avait subi une opération « pour réparer son pauvre petit cœur » après les révélations de l’existence de Mazarine dans la presse. Cette fois, c’est d’une insuffisance respiratoire qu’elle s’en est allée. A bout de souffle mais heureuse de voir que partout dans le monde, des personnes commencent enfin, comme elle, à s’ indigner.
Par Laetitia Monsacré
Des ballons rouges en hommage…
Il n’y avait pas foule sur le pont des Arts mais une cinquantaine d’individus émus, tenant leur petit ballon rouge, avant de les lâcher pour une scène pleine de poésie que Sempé n’aurait pas renié. Beaucoup de personnalités de gauche, Martine Aubry, Cécile Duflot, Dominique Voynet, Jack Lang et Jean Luc Mélanchon » On a vu des tas d’amis ici, on se retrouve à Cluny? « se sont retrouvés devant quelques caméras et appareils photos pour rendre hommage à la présidente de France Libertés. Les bénévoles recueillaient des petits mots –« des messages pour Danielle » à glisser dans une boîte et offraient ce beau flacon dessiné par Stark, symbole de la dernière lutte de Danielle pour l’accès à l’ eau potable pour tous. The Pariser a voulu savoir qui aujourd’hui pourrait la remplacer: « Elle est difficilement remplaçable mais on va essayer tous ensemble de la remplacer » répondit Martine Aubry tandis qu’une anonyme s’offusquait de ma question « On est là pour elle et vous êtes déjà en train de parler de succession! Mais Danielle Mitterrand, y’en aura jamais d’autre! ». Stéphane Hessel, lui , répondait de sa belle voix, protégée par sa femme, que « Martine Aubry a toutes les qualités pour porter le parti socialiste(?) »-à croire qu’il n’est pas au courant de la dernière primaire…ajoutant que « Nous avons besoin que le parti socialiste gagne ». Danielle aurait été d’accord…