Qu’il était beau l’été sur France Musique! Nommé en janvier dernier Délégué aux programmes et à l’antenne de la radio publique essentiellement consacrée à la musique classique et au jazz, Stéphane Grant a offert aux auditeurs, avec le Directeur de la station, Marc Voinchet, une grille sans publicité- la chose est rare- où l’on pouvait s’abandonner du matin au soir, entre la biographie de Léonard Bernstein, le Carrefour des Amériques de Marcel Quillévéré et autres Retours de plage de Laurent Valero et Thierry Jousse à moins de préférer vivre en direct le Festival d’Aix ou de la Roque d’Anthéron. Une programmation d’orfèvre que cet ancien journaliste de la presse écrite, formé à la musique classique par son grand père « fan d’opéras italiens et de grand ténors », connait bien après avoir lui même produit des émissions sur France Musique comme Les Grands Entretiens ou l’an dernier, L’été de la Callas. Les vacances finies, c’est avec les têtes d’affiches de la station, Frédéric Lodéon, Denisa Kerchova ou Saskia de Ville pour la matinale, que la rentrée s’est faite, avec néanmoins des nouveautés qu’il nous a présentées de son bureau de la maison ronde où l’ambiance décontractée achève de convaincre de la pertinence du nouveau slogan de France Musique qui séduit chaque jour 900 000 auditeurs: « Vous allez La Do Ré ».
Il semble que vous ayez à coeur pour cette rentrée de jouer la carte de l’interactivité avec l’auditeur. Est-ce désormais un passage obligé?
Non, mais c’est une des façons de se rapprocher le plus possible de l’auditeur et le fruit d’une longue réflexion notamment comme producteur. Sur France Musique nous avons à la fois des auditeurs hyper pointus qui connaissent très bien-et certains mieux que nous- la musique dont on leur parle mais aussi avec des personnes qui ne sont pas du tout des spécialistes mais qui ont envie de découvrir la musique classique, auxquels il faut tendre la main. Cela passe par plein de choses dont l’interactivité mise en place dans l’émission du samedi matin, France Musique est à vous, de Gabrielle Guyon. Les retours après la première émission sont très encourageants notamment via Instagram où l’on est sur une cible de jeunes alors que la moyenne d’âge de nos auditeurs est de plus de soixante ans.
C’est sans doute dans la mouvance de Denisa Kerchova que nous avions interviewé et qui nous avait dit « parler à l’auditeur comme à un ami »…
Bien sûr, Denisa a une façon intime de s’adresser à chacun tout en racontant des histoires, qui lui est très personnelle et qui marche très bien vu que c’est notre pic d’audience de la matinale. Nous sommes en effet une chaîne un peu différente en matière d’audience avec une matinale qui contrairement à des chaînes généralistes n’est pas le programme phare. L’audience grandit au fur et à mesure de la matinée. La matinale a d’ailleurs été profondément remaniée en la souhaitant beaucoup plus musicale en raccourcissant l’interview et en donnant plus de place au web. Notre portail est d’ailleurs le premier site de radio classique en France, décliné cette rentrée en anglais, avec des articles d’actualité musicale, du reportage, de l’interview et des concerts filmés avec Arte.
L’écoute sur FranceMusique.fr est en augmentation de 67 % en un an, cela va-t’il détrôner l’antenne herzienne?
Ça fait des années qu’on travaille sur les nouveaux supports mais l’hertzien reste très majoritaire. Nous élargissons néanmoins sur tous les supports en filmant les chroniques et en exposant de plus en plus les courts formats qui fonctionnent très bien sur les réseaux.
Quel est le cahier des charges que vous donne le Ministère de la culture, vu que vous n’êtes pas soumis à la publicité?
Avant tout que nous remplissions notre mission de service public en diffusant un savoir musical ainsi que de soutenir la création avec 350 captations par an, même si le répertoire n’est pas toujours accessible.
Comme les cinq minutes de Création mondiale qui, à 13h55, font parfois assez mal aux oreilles?
Ce sont des paris mais si nous ne les faisons pas, personne d’autre ne va les faire! S’il y en a qui peuvent accrocher les oreilles, nous essayons toutefois de les diffuser au maximum comme Seven Stones, l’opéra a cappella donné à Aix cet été qui a été un vrai pari, surtout sans l’image, et au final une réussite. Il faut remplir cette mission en étant attentif à toutes les créations en allant en région, loin des grandes salles parisiennes. Il nous faut aussi aider les milliers de chorales en France, relayer les efforts de pédagogie ce qui a donné naissance cette rentrée à l’émission Génération France Musique qui ouvre l’antenne le samedi.
A sept heures 30 du matin, heureusement qu’il y a les podcasts!
Oui, c’est très vertueux même si sur France Musique, il y a des choses qu’on ne lâche pas. Il y a eu une époque où internet n’existait pas et où le savoir passait par la radio, ce qui n’est plus vrai vu qu’avec un clic, on peut tout trouver. Il y a désormais une valorisation de la musique et une mécanique d’antenne qui constitue le gros du travail. Nos Grands entretiens sont ainsi un pari, car surtout parlés mais ils sont l’occasion de se dire que l’on fait des choses pour aujourd’hui mais aussi pour demain en constatant que nous créons des archives notamment sur les jeunes musiciens ou artistes. Et là, nous avons été récompensés en observant combien les podcasts sur cette émission ont été importants.
Vous êtes par ailleurs très attentif à la parité dans la présentation ainsi que de vous adresser aux très jeunes…
La grille alterne en effet hommes et femmes tout au long de la journée et le mercredi, nous avons installé un Allegreto junior plus la chronique C’est mioche de Guillaume Tion dans la matinale de Saskia De Ville.
Dommage, il n’y a plus la chronique cinéma de Xavier Leherpeur?
C’était une super chronique mais nous avons choisi d’en réduire le nombre pour plus de musique d’autant que nos auditeurs ne vont pas sur France Musique pour entendre parler de cinéma. L’identité de la station passe avant tout par la musique et la façon dont chacun nous en parle.
Laquelle n’est pas forcement classique!
La promesse c’est 80% de musique classique mais c’est aussi la volonté de Marc Voinchet d’avoir voulu installer d’autres musiques comme le jazz avec un rendez-vous de 18 h à 20 h qui marche très bien, en étant hyper pointue et spontanée comme Nathalie Piolé ou encore 42 ème rue pour la comédie musicale qui va fêter ses dix ans.
Quelles envies avez-vous pour le futur?
Prolonger ce qui existe en travaillant plus les fondamentaux; j’étais producteur il y a six mois donc ce n’est pas toujours simple de se retrouver avec la casquette de délégué à l’antenne et recevoir les anciens collègues mais en même temps, dans le dialogue, je peux vraiment avoir un travail de réglage comme de supprimer les génériques de certaines émissions de la matinale pour améliorer la fluidité à l’antenne. Et ne plus donner l’impression qu’on ferme la porte d’une émission et qu’on ouvre celle d’une autre, avec le sentiment que chacun est dans sa case. De nouveaux jingles vont également rythmer la journée.
Voilà pour ce « discophile » depuis ses premiers disques achetés à la Fnac de Bordeaux et pas « dans n’importe quelle version », de quoi continuer à offrir aux auditeurs de France Musique une radio où l’harmonie des voix rejoint celle de la musique et où le savoir est vécu comme un partage. Avec cette idée chère à Platon que « la musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée ».
Par Laetitia Monsacré
Jim au Pariser, Oddi chez France Musique
Et Frédéric Lodéon, prêt à prendre l’antenne comme chaque jour à 16 heures