Qui n’a jamais eu peur de la mort ? Dans « Juste avant », Fanny Saintenoy, jeune femme dont c’est le premier roman raconte deux femmes, Juliette l’arrière-grand-mère, et Fanny son arrière-petite-fille, qui lui font face, ensemble. Sous forme de portrait croisé, les deux femmes font défiler le siècle dernier dans leurs pensées. Deux monologues intimes face à la fin d’une vie, celle de Juliette, presque 100 ans, allongée sur son lit dans une maison de retraite, et régulièrement visitée par Fanny, arrière-petite-fille bousculée par la vie moderne.
Un récit dénué de fioriture, tout en simplicité et tendresse. On oublie les grandes phrases alourdies de figures de style et on laisse place à de courts chapitres alternant entre deux récits, deux voix retranscrites sous deux polices d’écritures différentes.
Ainsi « Juste avant » est-il le récit de cinq générations qui ont traversé un siècle empreint de douleur mais toujours vécu dans la gaieté. Juliette a subit d’atroces blessures, tant physiques que morales. Enfant, elle perd ses orteils congelés pendant la première Guerre Mondiale. Femme, elle perd son jeune mari Louis, résistant communiste pendant la seconde. Enfin, Mère, elle perd son seul enfant, sa fille, rêveuse incorrigible qui succombe à un cancer à peine à 50 ans. Mais la lignée ne s’éteint pas, car reste Martine, élevée sans père par sa mère cancéreuse, qui donne naissance à Fanny, la trentenaire un peu perdue qui accouche évidemment d’une fille, Milena. Un monde de femmes donc, qui font face à la sévérité de la vie et à la mort qui s’immisce un peu partout mais qui n’altèrent en rien la jovialité de ces courageuses héroïnes.
Durant tout le récit, les hommes sont relégués ainsi à l’arrière-plan pour ne servir que de prétexte à décrire avec délicatesse et modestie l’existence de ces épouses, ces mères et filles qui aiment, souffrent et supportent un siècle de bouleversements et d’angoisse mais continuent de rire, de (se) donner, de vivre, « juste avant » que la mort ne vienne les chercher. Et que, comme à Juliette, elle leur fasse « un peu peur »…
par Camille Pégol
Publié chez Flammarion, retrouvez Fanny Saintenoy sur son blog