Putain, Steven Spielberg est un génie! Après son exceptionnel avant-dernier film, Le Pont des Espions, voilà sa vision de la presse à travers Pentagon Papers qui relate comment le célébrissime quotidien américain le Washington Post est passé d’un journal local à une des gloires du journalisme, bien avant Les hommes du Président, qui traitait avec un Robert Redford flamboyant de l’affaire du Watergate. Nous sommes en 1963, l’Amérique est engluée dans la guerre au Vietnam, héritage de Kennedy sous le mandat de Johnson. Robert Mac Namara, alors Secrétaire à la défense a réalisé que son pays qui se clame d’y intervenir au nom de la paix mondiale, est en train de s’embourber dans le conflit; il écrit alors un rapport top secret destiné à l’histoire, tandis qu’il affirme devant les cameras le contraire. C’est sans compter sur un journaliste du New York Times qui est allé sur le terrain et a vu les sacs mortuaires contenant les jeunes soldats américains se multiplier.
1971, à la faveur de fuites, le New York Times récupère ce rapport ultra secret et le publie déclenchant des manifestations dans tous le pays des pacifistes- un temps qui n’existe plus, (aucun citoyen ne descendant plus dans la rue suite à la publication d’un article tandis que Paris Match traite des conflits sur trois pages laissant la centaine d’autres aux people…). Au Washington Post, ce même jour des révélations du NYT, la Une est sur le mariage de la fille de Nixon. « On lit les news pendant que les autres les écrivent » s’exclame alors le tonitruant rédacteur en chef campé par un Tom Hanks comme à son habitude au meilleur de son immense talent. Face à lui, la propriétaire du journal, Meryl Street, toujours aussi extraordinaire dans son rôle de « femme de », laquelle a dû reprendre la tête du journal à la suite de son mari qui s’est suicidé. Une femme qui n’a jamais rien fait qu’élever ses enfants dans une Amérique où les femmes quittaient la table pour laisser les hommes parler de politique, confinées aux conversations de ménagères.
L’honneur du journalisme
Il faut dire qu’elle a la tâche dure, négociant l’entrée en bourse de son journal, au bord de la faillite face à des banquiers, tous des hommes ne comprenant pas que l’on veuille investir dans des salaires de journalistes d’investigation. Et qui se méfient d’une femme aux commandes. Alors, lorsque le rapport secret tombe entre les mains de la rédaction, après que le New York Times ait eu l’interdiction faite par le gouvernement de publier ce qui relève du « secret défense », pourtant en violation du premier amendement de la Constitution américaine garantissant la liberté de la presse, la rédaction voit sa chance arriver. « Je donnerai ma couille gauche pour avoir ce rapport » s’était exclamé le rédac chef du Washington Post; sa présidente aura, elle, « les couilles » de s’opposer à tous ses conseillers y compris ses avocats et bouleverser sa vision du journalisme qui à l’époque ( et l’est toujours dans la plupart des médias) était cul et chemise avec le pouvoir; elle décidera de tout risquer, y compris d’aller en prison, pour publier le rapport affirmant que 70 % des jeunes américains morts sur le front l’ont été pour éviter aux Etats Unis « l’humiliation », avec pour résultat de faire du jour au lendemain de son journal un des plus respecté de la planète.
Steven Spielberg traite cela comme un thriller haletant, avec des dialogues brillants et une tension qui ne lâche pas le spectateur deux heures durant. Un véritable plaidoyer pour les journalistes d’investigation-« si ce n’est pas nous qui font éclater les scandales, qui le fera? » bien loin de ceux qui couvrent la Fashion week…
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