Imprimer sa marque et asseoir son pouvoir. Voilà bien les deux objectifs poursuivis par Emmanuel Macron depuis son investiture présidentielle. De poignées de mains faussement viriles à l’invitation de Donald Trump au défilé du 14 juillet, de grandes phrases au G7 et au G20 à de petits sourires satisfaits lorsqu’il pousse Angela Merkel là où elle ne veut pas aller, de discours pompeux à la cadence trop lente au Congrès de Versailles – comme s’il s’écoutait lui-même – à une réaffirmation de sa puissance en tançant ceux qui ne lui obéissent pas, le Président de la République agit en monarque absolu, déléguant les basses œuvres du détricotage social à ses ministres et les annonces les plus ingrates au chef de son gouvernement. Lui règne, superbe et certain de son chemin. Il règne et n’admet pas qu’on lui résiste ou que l’on mette en doute ses choix et ses décisions. Le Prince parle, décide et les petites mains doivent, sous peine de renvoi déguisé, s’exécuter.
Emmanuel Robespierre
Ce n’est pas la Terreur mais Emmanuel Macron semble vouloir faire place nette et éliminer toute forme d’opposition et de contre-pouvoir. Il n’existe pas encore de Comité de salut public mais l’espace dédié à la parole libre s’amenuise. Le Parlement est renvoyé à une chambre d’enregistrement, votant sans rechigner et sans émettre les moindres doutes – pour les groupes de la majorité – les premières lois et les premiers décrets de l’ère nouvelle. L’opposition est fragile et rencontre peu d’écho dans l’opinion. La période estivale est favorable au Prince puisque les français épuisés par une année entière de débats et de campagne aspirent à du calme et à de la quiétude. Ils ont voté et désormais s’éloignent des combats de l’instant. Le timing est parfait, le peuple somnole ou s’apprête à lézarder au soleil, le pouvoir semble en profiter pour installer sa matrice. D’ici septembre les réformes seront enclenchées et les promesses de manifestations syndicales ou estudiantines n’effrayeront certainement pas un pouvoir sur de lui et arrogant. En attendant, dormez braves gens, les experts s’occupent de tout. La traque commence et les alliés d’hier sont bien vite abandonnés. Tant que les hommes lui servent le pouvoir en profite, dès qu’il deviennent un poids il s’en détache. Rien de nouveau sous le soleil, vieille règle basique de la politique mais contraste saisissant et ridicule pour celui qui se pâmait de faire de la politique autrement. Il n’est pas bon de résister ou de contrarier le Roi ! Emmanuel Macron fait donc tomber des têtes et semblent s’en délecter. Cela lui démontre certainement toute l’amplitude de son pouvoir.
Oukases et inélégance
Après François Bayrou, renvoyé comme un malpropre malgré les services rendus, après le PS assassiné lors des législatives, après la droite qu’il a su si bien morceler et désintégrer, après ses prédécesseurs qu’il affuble de tous les maux et dont il souligne, sans courtoisie aucune, les manques afin de se présenter, lui, sous un jour radicalement meilleur et efficace, voilà que le Président s’attaque à l’armée. Déjà deux ministres en deux mois, dont sans méchanceté aucune les noms et les qualités étaient et sont bien inconnus du grand public – qui connaît Florence Parly et quelle est donc sa légitimité pour diriger l’Hôtel de Brienne ? – et aujourd’hui, après une crise à laquelle il n’a su répondre sans aucune classe ni aucune mesure, régalant son auditoire d’oukases royales qui normalement doivent se tenir dans le secret de son bureau élyséen, voilà que le chef d’Etat-major des armées, fait rarissime, a démissionné de son poste. Bisbilles personnelles, profond désaccord politique à propos du budget de la défense, remontrances publiques, le jour même de la fête nationale, remise en cause des ordres du Roi, sans doute toutes ces raisons peuvent expliquer une telle crise. Mais ce qu’il faut retenir ici c’est la conduite inélégante d’Emmanuel Macron. Inélégance dans l’acte, inélégance dans les faits, et surtout alors qu’il s’était fait l’apôtre du parler vrai et du renouveau, l’utilisation des mêmes techniques que tous les autres, faire des promesses et très vite les renier. Il faut se souvenir de sa campagne, de cette idée de sanctuarisation du budget de la défense et de sa volonté de porter à 2% du PIB la part du budget de la défense. Comme disait le regretté Charles Pasqua reprenant Henri Queuille : les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Jeu dangereux pour un Président sans grande expérience de rien et qui pourtant, gonflé de certitudes et bouffi d’orgueil, s’amuse à organiser autour de lui à la fois une cour de favoris exaltés et un mur d’experts hors-sol lui permettant de se mettre à l’abri des erreurs et des crises. Le Roi, dans sa tour d’ivoire s’enferme sur lui-même et n’accepte pas qu’on lui résiste. Il détient le pouvoir et entend bien l’exercer pleinement.
Les pouvoirs centralisés dans les mains d’un seul homme ont souvent connu des fins tragiques. L’âge du capitaine, sa formation intellectuelle, sa campagne pouvaient faire croire qu’il agirait autrement, que sa conduite des affaires du pays serait différente, plus moderne, ouverte et en lien avec le peuple. Les premiers mois du quinquennat démontrent le total contraire. Marchez au pas et garde-à-vous, j’incarne la République, seul et contre tous. Seul et au-dessus de tous. Qu’il se méfie les Dieux ne sont généralement pas bienveillants avec les mortels qui s’absolvent de leur condition. Qu’il se méfie, il n’y a rien de plus terrible que la colère de Jupiter.