C’est le vendredi matin qu’il convient de venir interviewer Guy Savoy; le petit déjeuner y est spécial, tête de cochon de lait, mousse au chocolat, huitres, plateau de fromage, tout sont staff est présent avec jusque dans l’entrée une oeuvre d’art-parmi les nombreuses du restauran réalisée en allumettes où se concoctent jour après jour une gastronomie des plus vivantes. Quatre heures de sommeil, depuis quinze ans, « plus cela avance dans le temps, moins j’ai besoin de sommeil », Guy Savoy reçoit à l’Hôtel de la Monnaie, restaurant tout de noir vêtu qu’il a imaginé avec son ami Jean Marc Wilmotte après une parcours du combattant. Il se refuse le mot boulimique mais quel parcours dont il nous dit plus avant d’attaquer une autre interview avec des journalistes singapouriens et le sacro saint service de midi.
Une question vient à l’esprit immédiatement? Comment faites-vous pour tout faire?
J’ai toujours eu beaucoup d’énergie; je crois qu’elle se nourrit de la passion; les ingrédients se mettent en place avec aussi les défis. Dans nos métiers, il existe deux défis chaque jour: le déjeuner et le diner, vous ne pouvez pas avoir d’état d’âme; le dossier n’est pas sur le coin de la table , nous c’est du concret et cela doit être réglé, comme une horloge.
Jamais de lassitude?
L’autre défi, c’est que ce ne soit pas répétitif. On ne sait jamais comment cela va se passer, quatre table qui vont arriver en même temps, c’est un mouvement permanent; mon métier est tout sauf scientifique.
Vous aimez l’imprévu?
Oui, c’est pour cela qu’il faut qu’on soit bon pour pouvoir gérer ces moments là. C’est excitant lorsque c’est réglé, quelque chose qui s’est fait facilement ne vous donne pas beaucoup de satisfaction.
Mais pourquoi multipliez vous les projets? Un seul restaurant ne vous suffit pas?
Il y a une part de jeu mais je ne parcours pas la planète! Je n’ai plus que le restaurant de Las Vegas qui me tient particulièrement à coeur. Singapour et Doha j’ai arrêté. Il y a l’envie de faire des choses mais pas de manière désordonnée.
Comment se passe une journée de Guy Savoy?
Je suis arrivé hier à 8 heures 45 pour travailler en cuisine et mettre la carte de printemps en place. Ensuite, il y a eu l’expert comptable puis après, le début du service à midi. A 14 heures j’ai fait dans le cadre des champions à l’école une conférence devant des adolescents; j’ai tellement souffert des sarcasmes quand j’étais jeune quand j’ai dit que je voulais être cuisinier…Puis le service du soir à 19 heures 30 jusqu’à minuit et demi. Toute la semaine, mes journées font environ quinze heures et demi.
Et la famille dans tout cela?
Ce n’est pas le nombre d’heures mais l’intensité qui compte. L’éducation est dans la standardisation, j’étais très rebelle dès le départ. je voulais être cuisinier dès le départ avec une vraie passion pour manger. Ma mère adorait faire la cuisine. Le matin mon père préparait le petit déjeuner. Je rentrais tous les déjeuners à midi comme mes enfants qui venaient déjeuner avec leur mère le midi lorsque j’étais rue Troyon.
Comment est arrivée l’aventure de l’Hotel de la Monnaie?
Je suis resté 28 ans rue Troyon et les dirigeants de la Monnaie cherchaient quoi faire dans ce lieu où était des bureaux. En 2009, il y a eu un appel d’offre pour y faire un restaurant gastronomique. En arrivant ici j’ai eu un coup de foudre, en voyant en demi heure comment cela pouvait s’organiser. C’est le caractère même des gens qui sont dans le concret, on est pas devant un écran, c’est un kiff. Avec Wilmotte, mon architecte on se comprend en trois secondes. En mai 2010, mon dossier a été retenu, et on a ouvert en 2015, les autorisations ont été très compliquées à obtenir. Rien que la signalétique est une gageure.
Vous n’êtes pas homme à vous décourager pourtant il me semble…
La seule mauvaise nouvelle que l’on puisse m’annoncer est que j’ai un cancer, le reste ne m’atteint pas beaucoup…Les difficultés des gens me touchent mais je ne supporte pas les états d’âmes. J’ai de la chance, j’ai des équipes de jeunes formidables.
Visite improvisée alors dans les cuisines pour découvrir justement ce staff qui est derrière le grand chef et l’accompagne au quotidien, au milieu des oeuvres d’art et dans ce décor magnifique où il faut reserver son couvert des mois à l’avance. Le prix de l’excellence.
Par Laetitia Monsacré