Décidément il ne fait pas bon être favori. Après Alain Juppé, voilà Manuel Valls dans une posture politique bien délicate ! Encore une semaine et ça risque d’être la rouste. Il aurait sans doute dû prêter attention à l’invective de cet auditeur de France Inter qui lui promettait que 66 millions de français avaient envie de lui coller une baffe. La violence et l’appel à la violence sont toujours inexcusables et ils étaient bien peu ce dimanche à se déplacer avec néanmoins dans le quartier de Saint Germain des Près des bobos faisant la queue devant les bureaux de vote comme ils la font pour goûter les macarons de Pierre Hermé, mais l’uppercut est clair, net et sans appel. Avec une participation des plus basse – bien que les chiffres varient, spécialité socialiste – et franchement ridicule par rapport à la primaire de droite, le message des électeurs est précis : la gauche est moribonde et Manuel Valls n’est pas celui qui incarne l’espoir !
Un gros coup de semonce
Sale dimanche pour l’ancien premier flic de France. Mâchoires serrées et masque d’acier, son discours incantatoire au soir du premier tour a semblé être le prélude d’une défaite déjà acceptée et entérinée. Fini la gargarisation de soi-même et de son bilan, l’heure est grave ! La seule solution qui s’impose à Manuel Valls est l’attaque. L’attaque tout azimut contre Benoît Hamon, vainqueur presque attendu de ce premier tour. Lorsque l’aigreur se mêle à la défaite, il ne fait pas bon parler de rassemblement ! L’artillerie lourde est de sortie. Oh oui, Manuel était en colère dimanche soir ! En colère et sans doute aussi blessé. Même s’il a sauvé les meubles et s’est octroyé une possibilité d’avenir en se qualifiant pour le second tour, il a été contraint par les électeurs de faire preuve, enfin, de lucidité. Lucidité sur le rejet qu’il suscite, sur le peu de cas que font les votants de son bilan et sur le soupçon avéré de trahison envers le Président de la République. Trop énervé du bocal, bouffi de vanité, usant d’un ton professoral à la limite de l’imprécatoire, Manuel Valls a convoqué les mauvais auspices et les oiseaux de malheur en cas de victoire de Benoît Hamon. Aucun fair-play, aucune classe, une bonne vieille attaque en règle et peu de propositions. En invoquant les valeurs de la gauche, les grandes figures, le besoin de rassemblement, Manuel Valls dans un discours qui manquait cruellement de générosité n’a fait qu’exposer ses manques. Manque d’imagination, manque d’une vision d’avenir ! Seul le manque d’ambition n’a pas disparu ! Elle est là et bien là. Pauvre Manuel, ça sent clairement le sapin. Retour direct à Evry sans passer par la case présidentielle ! Il n’est plus Premier ministre, il est bientôt battu, il se prépare à une belle défaite, tant d’erreurs de parcours depuis la renonciation de François Hollande. Passer du statut de favori à celui d’outsider en un mois et demi, c’est rude ! Enfin que croyait-il ?
Hamon ou l’illusion de la gauche
Il croyait que le processus le mettrait sur orbite. Il pensait gagner. Il pensait être le concurrent le plus sérieux, avec les propositions et le bilan les plus crédibles. Il faisait sans doute peu de cas de ses concurrents. Il y avait lui et les autres. Toujours un peu supérieur, toujours un peu prétentieux. Sang chaud et fierté catalane ! Mais les électeurs ont fait un autre choix. Celui d’un certain renouveau. Benoît Hamon n’a rien inventé et s’inspire de solutions anciennes et tièdes mais il a su réveiller quelque chose. Un petit espoir, une petite flamme. Tout est à relativiser tant le manque de mobilisation des électeurs n’apporte pas à celui qui sera victorieux une légitimité suffisante pour peser de tout son poids face à Emmanuel Macron ou Jean-Luc Mélenchon. Mais Benoît Hamon a pour lui d’avoir su se départir des habits passéistes de la gauche. Le revenu universel, le refus de l’austérité, la renégociation de la dette et son regard sur la société ont permis aux militants de gauche de croire que la gauche n’était pas encore tout à fait morte. Elle est anesthésiée, sous perfusion, en mort clinique mais le cadavre respire encore. Une seule question qui de Mélenchon ou de Macron l’achèvera ? Qui donnera le coup de grâce ? Avec Benoît Hamon, les électeurs de gauche ont choisi de se donner encore un peu de temps avant le sacrifice final. Qui peut croire qu’il ira jusqu’au bout ? Qui peut croire, si il gagne la primaire, qu’il saura trouver un élan capable de l’emporter jusqu’au second tour de la présidentielle ? Sera-t-il encore candidat en avril ? Là réside la question, dans la lucidité dont ces deux hommes feront preuve face à une situation inextricable !
La victoire presque impossible de Manuel Valls signifierait l’éclatement définitif de la gauche. La victoire presque assurée de Benoit Hamon signifierait l’explosion définitive de la gauche. Quoi qu’il se passe cette semaine – débat de second tour et derniers meetings –, quoi qu’il se passe dimanche prochain, le parti socialiste aura perdu. Perdu parce qu’il n’a pas su se renouveler, perdu parce qu’il n’a pas su apporter des réponses crédibles au monde de demain, perdu parce que les français n’ont plus confiance en lui. Alors quel que soit le vainqueur, il ne représentera qu’un parti fantomatique, le souvenir d’une grande aventure et des espoirs déçus ! Qu’ont-ils donc été faire dans cette galère ?