La cuvée 2016 est sans conteste belle. Tandis qu’Alex Lutz-impayable Catherine de la revue de presse du Petit Journal sur Canal+ et lauréat pour le spectacle comique- a remplacé avec talent Nicolas Bedos à la présentation, les Molières ont decerné un Molière d’honneur à Fabrice Lucchini et justement récompensé le 23 mai dernier la formidable Catherine Frot dans Fleur de Cactus, l’ auteur et metteur en scène virtuose Joël Pommerat dans Ça ira (1) Fin de Louis, et pour son Pinocchio donné aux Ateliers Berthier catégorie jeune public. Un Molière aussi pour Charles Berling dans Vu du Pont d’Arthur Miller, mise en scène Ivo Van Hove ( qui fera l’ouverture d’Avignon le 6 juillet prochain avec sa relecture des Damnés de Visconti et la troupe du Français) et pour la lumineuse Dominique Blanc, celui de meilleur comédienne dans le public dans Les Liaisons Dangereuses ou encore Les Faux British, de Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields et l’incroyable 20 000 lieues sous les mers, d’après Jules Verne, mise en scène Christian Hecq et Valérie Lesort au Vieux Colombier.
Grandes gagnantes dans le Théâtre privé, les pièces Qui a peur de Virginia Woolf ? d’Edward Albee, qui s’est vue remettre le Molière du meilleur comédien à Wladimir Yordanoff et celui de la mise en scène à Alain Françon ainsi que Les Cavaliers.
Enivrants Cavaliers de Kessel
Malheureusement plus à l’affiche, c’est une histoire magnifique sur fond de montagnes afghanes de Joseph Kessel traitant de la trahison, du dépassement de soi, de l’appât du gain-la femme n’y a pas le beau rôle- et de la passion pour les chevaux de course, rendus vivants grâce à des tabourets enrênés imaginés par Eric Bouvron et Anne Bourgeois pour le public venu en nombre au Théâtre de la Bruyère. Prépondérante, l’ illustration musicale est assurée par le chanteur et musicien Khalid K., tour à tour chanteur soufi, troubadour et beatboxer pour looper sa voix et jouer aux bruiteurs de cinéma pour donner vie à ce long voyage initiatique entre Ouroz, le cavalier virtuose et son fidèle serviteur Mokkhil, accompagné du fougueux étalon Jehol, avec un objectif : obtenir enfin la reconnaissance de son père, le terrible Toursène.. Il faut voir Éric Bouvron passer d’un personnage à l’autre comme s’il changeait de masque et Grégori Baquet, révélation masculine des Molières 2014, qui rugit, boite et nous emporte dans sa douloureuse et sa quête de fils incompris.
Des Chatouilles qui enchantent le spectateur mais détruisent les victimes
Incomprise par sa mère, Andréa Bescond, Molière du Seule en scène pour les Chatouilles ou la danse de la colère, l’est assurément. « C’est pas ta douleur, c’est la mienne, moi j’ai envie que ça sorte ». Ce sera grâce à la danse que cette jeune femme abimée par les abus sexuels d’un ami de la famille, Gilbert, s’en sortira non sans tmober dans la drogue, le sexe pour s’autodétruire, abimée à jamais par ces « chatouilles ». Une énergie d’enfer, une technique irréprochable, un humour corrosif comme pour les personnages de la prof de danse marseillaise, du copain Manu « un joint sur pattes », ou du flic qui reçoit la déposition, « Champagne! y ‘a eu pénétration, on va pouvoir le coincer! ». La psychanalyse est prétexte à faire défiler la vie de cette jeune femme qui a fait « cinq ans de conservatoire pour danser dans un supermarché, même pas un hyper » et se bat conttre cette mère qui se demande pourquoi sa file lui fait « ça ». Et de répondre « pour me faire du mal ». Une pièce qui résume à elle seule tout ce que l’on cherche au théâtre- rire, être ému et découvrir des personnages mis en scène grâce au talent du compagnon de l’auteure, Eric Métayer, plus que répéré dans Julie les Batignolles ou les 39 marches. Un bijou à courir découvrir au Petit Montparnasse jusqu’au 24 juin 2016.
Par Laetitia Monsacré