A une dizaine de jours près, Jim aurait pu vous en parler « en direct » comme on dit. L’intense semaine électorale aux Etats-Unis a braqué les projecteurs sur les onze états qui ont élu leurs délégués lors de ce Super Tueday, en ce premier jour de mars. Avec sept états, contre deux pour Ted Cruz et un seul en faveur de Marco Rubio, ses concurrents pour l’investiture du Parti Républicain, Donald Trump transforme son avance en prémices irréversibles de victoire, tandis que côté démocrate, Hillary Clinton conforte son avance en gagnant sept à quatre. Les primaires sont en marche avec, l’ascension d’un milliardaire qu’il y a un an encore, on prenait pour un simple excentrique, et qui se révèle désormais un danger sérieux soutenu par une partie de l’opinion américaine, essentiellement blanche, avec une part significative des classes moyennes et populaires, dont certains ont pris parfois pour la première fois le chemin d’un bureau de vote afin de « renverser les candidats de l’establishment ». La menace est jugée suffisamment sérieuse par certains américains pour que les recherches Google sur l’émigration au Canada aient connu un bond exponentiel ces derniers jours.
Stratégies de la peur
Avec ses déclarations ouvertement racistes envers la communauté hispanique, dont il veut arrêter l’afflux d’émigrés clandestins en érigeant un mur sur la frontière mexicaine, ou les musulmans, pourtant très minoritaires dans le pays, dont il veut interdire l’entrée sur le sol américain, Donald Trump, qui ferait passer le clan Le Pen pour un aimable divertissement, n’a pas besoin de programme et se contente d’agiter des peurs collectives pour rallier les suffrages. Dimanche soir, un documentaire au ton didactique un peu spectaculaire sur M6 dressait un portrait inquiétant d’un magnat qui a ruiné Atlantic City avec ses casinos mégalomanes et fait l’économie de toute proposition politique. La violence et les outrances de l’homme d’affaires suffisent à lui tailler une place de choix sur les chaînes de télévision en même temps que dans le scrutin.
Le triomphe de la démagogie
On croyait les USA à l’abri du populisme. Ces présidentielles de 2016 viennent apporter un cinglant démenti : les mêmes conditions qui ont porté Hitler au pouvoir en 1933, avec, ne l’oublions pas le soutien de la masse populaire, se reproduisent de part et d’autre de l’Atlantique. Une fois de plus, la démocratie électorale montre son vrai visage, celui d’une vulgaire et nocive démagogie. Ce n’est pas le sondage réalisée auprès d’un panel d’habitants de la Loire-Atlantique sur le projet plus que controversé de l’aéroport de Notre-Dame-des Landes qui dira le contraire, avec 58% d’opinions favorables aux intérêts de Vinci – et d’édiles qui comptent sans doute sur le soutien du groupe de BTP. Déjà Esope et Phèdre dans l’Antiquité, repris par La Fontaine dans sa fable Les grenouilles qui demandent un Roi, avant Le Bon et la psychologie des foules, avaient raillé la bêtise des peuples, esclaves toujours assoiffés de maîtres, et notre régime électoraliste n’est qu’un moyen habile pour renouveler à intervalles réguliers l’épiphanie monarchique, à grands renforts de millions. Au fond, l’Histoire est une discipline rassurante : presque cent ans après le nazisme, elle se répète…