C’est ce que l’on appelle un ratage de première. Alvis Hermanis n’a même pas essayé de revenir sur le plateau après la bruyante bronca qu’il a essuyé en guise de saluts où se noient quelques bravos, et que les commentaires de spectateurs agacés qui ont émaillé la soirée laissaient pressentir comme une cocotte-minute au bord de l’explosion. A croire que le metteur en scène letton traverse en ce moment une mauvaise passe après avoir été blacklisté en Allemagne à la suite de ses déclarations justifiant son refus de jouer dans un théâtre de Hambourg accueillant des réfugiés syriens, qu’il considère comme des terroristes.
On avait pourtant mis les moyens, avec gala Arop de première, cercle Berlioz pour récolter des fonds et faire de cette Damnation de Faust l’événement de la fin d’année. Mais pas sûr qu’en faisant de Stephen Hawking le Faust du XXIème siècle, promoteur des missions Mars One pour coloniser la planète rouge, on en ait eu pour son argent.
Ovules et escargots
A défaut de direction d’acteurs, on doit se contenter d’écrans envahissant où, à côté d’images de cosmos et de fusées, on suit les aventures de spermatozoïde jusqu’à l’ovule pendant le rendez-vous nocturne entre Faust et Marguerite, ou encore les papouilles de deux escargots – qui paraît-il on sauté lors de la deuxième représentation. Un résumé de subtilité et de délicatesse.
Reste le Faust de Jonas Kaufmann pour les inconditionnels, même si la mémorable Invocation à la Nature ne saurait faire oublier des passages plus délicats à négocier pour le ténor allemand, dont la voix fait chavirer plus d’un coeur. Sophie Koch réussit mieux qu’espéré en Marguerite, un rôle où on l’attendait plus exotique. Bryn Terfel se limite à faire un Méphistophélès vocal, tandis qu’Edwin Crossley Mercer, dont on se rappelle le juvénile Papageno à Bastille au printemps, fait une brève apparition pour la chanson du rat de Brander. Quant à Philippe Jordan, il préfère la palette de couleurs au dynamisme de la partition : au moins son placide Berlioz sauve-t-il la beauté.
GL
La Damnation de Faust, Opéra Bastille, jusqu’au 29 décembre 2015