C’est fou comme la culture peut entrer en résonance avec l’actualité. La précéder, en donner les clés. Dans les salles de cinéma désertées, la bande annonce de Taj Mahal, sortie le 2 décembre semble être l’écho de cette prise d’otage à Bamako tout comme celle du film de Thomas Bidegain, Les Cowboys, revenant sur ces français qui choisissent le djihadisme avec les conséquences que l’on sait. Et que dire de ce dernier James Bond qui montre un monde à feu et à sang, avec des attentats visant un stade à Mexico ou en Afrique du sud, commis par une groupe nommé Spectre semant la terreur. L’occasion de voir la cérébralité du réalisateur Sam Mendès- American Beauty, Les Noces rebelles- au service du cahier des charges ultra-hollywoodien de 007. Il parvient à glisser Vivaldi et son sublime Cum dederit, ô combien célèbre troisième mouvement du Nisi Dominus, avec une Monica Belluci en veuve romaine, qui confirme malheureusement les limites du lifting passé 50 ans. Léa Seydoux est en revanche impeccable en James Bond girl, faisant oublier la très moyenne Eva Green dans Casino royal face à un Daniel Craig qui ressemble désespérément à un vendeur de costumes chez Massimo Dutti. Hormis la scène d’ouverture où la script a dû oublié ses lunettes-un hélicoptère en feu qui redevient comme neuf- Sam Mendès a su insuffler une dose de vintage-ah la Rolls Royce 1959, l’Aston Martin collector du plan final ou le célèbre restaurant Rules de Covent Garden- et de psychologie avec cette fille d’assassin jouée par Léa Seydoux qui rend le tout visible.
Des actes, plus de mots
Mais pas trop en comparaison au superbe film de Sarah Gavron sur ces anglaises qui en 1903, entrèrent en résistance pour obtenir le droit de vote, à une époque où l’on considérait les femmes « moins équilibrées que les hommes ». Maud Watts-lumineuse Carrey Mulligan- est ouvrière depuis ses sept ans dans une blanchisserie. Son espérance de vie est faible, son mari lui demande de se contenter d’être sa femme et la mère de leur fils qur lequel elle n’a aucune autorité parentale. « Parce que je respecte la moi, il faut que la loi soit respectable ». Frappée par les bobbies, emprisonnée, son fils par son mari donné à un couple plus « rigoureux », Maud choisira son destin: celui d’une femme qui se dresse au milieu de toutes, et entre en résistance; bombes dans les boites aux lettres, plasticage de la villa du Premier ministre, elle répondra à la violence par la violence aux côtés de cette pharmacienne instruite, jouée par la trop rare Helena Bonham Carter. « Des actes, plus de mots », le film montre la radicalisation face à la violence qui, lorsqu’elle est légale, s’abat sur les plus faibles sans pitié-ici les femmes. Droit de cuissage, humiliation, même le droit de faire la grève de la faim en prison leur ait dénié. Meryl Streep est de l’aventure pour une courte apparition en femme mentor tandis que, y compris pour les femmes riches, la domination masculine est sans issue avec ce mari qui refuse, avec pourtant l’argent qui appartient sa femme, de payer la caution de ses compagnes de combat. Car, dans cette Angleterre héritée des Tudors où les femmes avaient pourtant le droit d’être reine, nul droit n’existaient alors pour les sujets féminins.
N’est ainsi pas Lady Macbeth qui le souhaite, à l’image de Marion Cotillard- magnétique- qui, dans des décors à couper le souffle et un esthétisme absolu, incarne cette épouse ambitieuse qui fera couler tant de sang pour avoir le pouvoir. La violence encore et toujours dans le dernier film de Justin Kurzel, avec ces combats sanglants à l’épée ou cette scène de bûcher montrant la femme de son adversaire et ses jeunes enfants sacrifiés tout cela parce que trois sorcières dans la brume ont annoncé à Macbeth qu’il serait roi. Revoir Shakespeare pour sa langue, pour sa sagesse; allez donc au théâtre, au cinéma, cela vous fera plus de bien que de regarder les JT…
LM