Après deux mois de pérégrinations festivalières, l’incontournable rituel de la rentrée s’applique également en province. Autant dire qu’en ayant ouvert sa saison le 9 septembre dernier, l’Angers Nantes Opéra l’a fait avec une longueur d’avance sur ses consoeurs. Certes, ce premier rendez-vous s’est fait en version de concert, et hors des habituels murs du Théâtre Graslin, à la Cité des Congrès, qui accueille chaque année les fameuses Folles Journées à la fin janvier. Pour tout dire, cette soirée inaugurale est intervenu comme un « bonus » à la programmation, pour célébrer l’arrivée du nouveau directeur musical de l’Orchestre national des Pays de la Loire, Pascal Rophé, appointé il y a à peine un an, et le dynamisme retrouvé de la phalange nantaise.
Sous le signe de l’Espagne
Mis en valeur par un plateau aux dimensions plus généreuses que la fosse du théâtre dix-huitième au cœur de la ville, ce concert inaugural placé sous le signe de l’Espagne, en livre un brillant témoignage. Dès l’Alborada del Gracioso de Ravel, le raffinement du compositeur français s’exprime dans des textures riches et vigoureuses, soutenues par une appréciable cohérence et une indéniable lisibilité de l’écriture orchestrale, laquelle se décline dans toute la variété des atmosphères successivement suggérées. Avec la suite que Manuel de Falla a tiré du Tricorne, le folklore hispanique ne s’abîme jamais dans la caricature, et l’on se laisse aisément porté par la virtuosité sanguine d’une direction qui ménage autant la narration que le pittoresque.
Savoureux Ravel
En seconde partie de soirée, on revient à Ravel, avec L’Heure espagnole. Si le tic-tac des métronomes avant les premières notes rappelle celui des horloges de Torquemada au cœur de l’intrigue, le sens de la caractérisation des saynètes dont fait preuve Pascal Rophé se passe sans peine de cet artifice théâtral, et soutenant les chanteurs sans se montrant envahissante, son intelligence expressive stimule l’imagination du spectateur. La maîtrise du français dont font preuve les solistes, agrémentée d’un jeu d’acteurs modeste mais efficace, achève de pallier l’absence de scénographie. En Concepción, Julie Boulianne affirme une délicate sophistication qui confère à ses atermoiements adultères un irrésistible soupçon de piquant. Contrastant avec la bonhomie du mari incarné par Eric Huchet, Thomas Dolié démontre la robustesse de Ramiro, muletier qui n’hésite à aller aux confins des rodomontades pour cacher son dénuement devant son trouble amoureux – « les muletiers n’ont pas de conversations ! » Entendu en mars dernier dans La Ville morte, la légèreté lyrique d’Alexander Sprague sied sans réserve à Gonzalve, tandis qu’il reste un métier éprouvé à Didier Henry pour révéler les soupirs du vieux beau Don Iñigo Gomez.
Vagabondage sacré
Plaçant sans doute son début de saison sous le signe du vagabondage, c’est à un spectacle d’oratorios en tournée d’abord dans la métropole, avant de partir en région, que nous invite l’institution nantaise, en partenariat avec l’Ensemble Stradivaria, dont nous avions relaté le concert Vivaldi et Haendel donné au cours du festival Sinfonia en août dernier. Associant Carissimi et Charpentier, ces Histoires sacrées mises en scène par Christian Gangneron seront une occasion de faire résonner les églises de cet ouest entre Bretagne et Touraine. On vous en reparlera bientôt…
Par Gilles Charlassier
Histoires sacrées – Nantes et région, en novembre 2015 et aussi au printemps 2016