Bien souvent rempli d’abonnés au profil des plus bourgeois, le parterre du Théâtre des Champs Elysées a, pour ce soir de première, hué-la chose est légion- la mise en scène imaginée par Moshe Leiser et Patrick Gaurier pour Maria Stuarda, demi-soeur infortunée d’Elizabeth 1er, reine d’Angleterre. On était en effet loin des fastes royaux de la cour de Westminster ou du charme du château de Fortheringay avec une évocation directe du couloir de la mort, cellules et néons glaçants avant une injection fatale qui demeura toutefois dans cette relecture de l’opéra de Donizetti sous la forme du billot et de la hache. C’est d’ailleurs ainsi que la soirée commença, la tête tranchée pour la reine rivale et trop fière, installant immédiatement la dimension dramatique de cette page sombre de l’histoire anglaise. Le bel canto pouvait prendre place, le tragique était mis. Seules vêtues de robes rappelant la dynastie des Tudor, les deux reines se livrèrent à leur affrontement comme il se doit, l’une ivre de son pouvoir, inquiète de le perdre et femme jalouse de l’autre qui n’hésite pas à sceller son sort en la traitant de « fille impure d’Anne Boleyn » et de « catin indigne et obscène ». On fait mieux pour demander sa grâce…Dès lors, ce n’est pas le pauvre Leicester dont les deux femmes sont éprises qui pourra empêcher la suppliciée de partir « pour une vie meilleure ». Avec les rôles principaux- les hommes sont ici réduits à la figuration- Carmen Giannattasio et Aleksandra Kurzack ( nouvelle compagne de Roberto Alagna pour la petite histoire) ont enchanté les oreilles les plus difficiles, offrant une très belle soirée à cet opéra trop rarement joué. Le dernier acte avec Marie Stuart donnant la main au choeur à travers les barreaux de sa cellule fut un des très beaux moments pour confirmer que le public n’a pas toujours raison…
LM
Maria Stuarda, de Donizetti, au TCE jusqu’au 27 juin 2015