Dans la plus pure tradition des commanditaires de la Renaissance qui cherchait asseoir leur réputation, Bernard Arnault, après son frère ennemi François Pinault, a ouvert en octobre dernier sa fondation. Elle ne porte pas son nom mais celui de Louis Vuitton, malletier grâce auquel il a posé la première pierre de son empire du luxe. Voilà donc le batiment de Franck Gehry enfin fini, posé au milieu des arbres du bois de Boulogne. Affluence ce jour d’avril ensoleillé où l’on a même distribué des parapluie pour se protéger du soleil dans la file d’attente. Ce qui frappe au premier regard, c’est l’impression d’être entre beautiful people. Pas de sac banane, pas de bob, même les vigiles- fort nombreux porte cravates et costumes-tailleur pour les femmes impeccables. La minceur semble ici réglementaire et la faute de goût impardonnable afin de ne pas gâter le design qui règne ici, des toilettes où l’on pourrait prendre un cours d’architecture à la boutique où carnets, sacs, gommes offrent un petit bout de l’ascèse selon Franck Gehry. La Fondation LV vaut à elle seule la visite, d’un blanc impeccable avec ses excroissances époustouflantes et ses multiples terrasses qui vous font dominer la cime des arbres telle la canopée à moins que ce ne soit le jardin d’acclimatation tandis qu’au loin, la Défense semble lui répondre telle une forêt futuriste.
Des oeuvres géantes comme l’homme en plâtre de Thomas Schutte à la galerie dédiée à Giacometti, les photos retouchées à la gouache de Tacita Dean, un quatuor de magnifiques panneaux en résine du polonais Sigmar Polke autour d’un météorite, Guiseppe Penone, Annnette Messager, Ellsworth Kelly, le Rodin pensant de Nam June Paik, la directrice des collections, Suzanne Pagé, ex directrice du Centre Pompidou a eu l’achat sûr tout comme sa sélection pour l’exposition majestueuse Les clefs d’une passion.
De Kandisky à Monet
Situé dans les galeries basses de la Fondation, l’accrochage des toiles-les sculptures sont quasi absentes -vous réserve un moment de pur bonheur visuel avec, dans la dernière salle, l’apothéose: La danse de Matisse venue du Musée de l’Ermitage de Saint Petersbourg répondant aux quatre panneaux réalisés pour décorer l’appartement de E.R. Campbell,le fondateur de Chevrolet, en 1914 par Kandinsky qui sortent très rarement du MOMA. De quoi renouer l’amitié russo-américaine, tout du moins dans une salle de musée où Kupka et Severini répondent à ces oeuvres uniques que des bancs minimalistes permettent de contempler à l’envi. Malévitch, Le cri de Munch, la finlandaise Helene Schjerbeck qui montre, à travers cinq autoportraits executés de 1915 à 1944, les ravages du temps ou encore ces quatre vues de lac peintes par Gallen Kallela, aux subtiles différences et pour la première fois réunies- de nombreuses toiles viennent de collection privées comme ce superbe Coucher de soleil sur le lac Leman de Ferdinand Holder- on passe de Mondrian à Monet, de Brancusi à Picasso, de Bonnard à Rothko avec une évidence rare. La culture pop est représenté par Léger, Delaunay et Picabia avec d’inattendues peintures figuratives s’inspirant de la presse de charme. L’occasion est en tous les cas unique de voir ou revoir des chefs d’oeuvres du XXème siècle et de découvir des artistes moins connus. N’est ce pas l’objectif, ici parfaitement atteint, de toute fondation…
LM
Les Clés d’une passion, Fondation Louis Vuitton, jusqu’au 6 juillet 2015- infos