Le vin était français, tout comme le compositeur, Ferdinand Hérold, certains chanteurs et le metteur en scène, Eric Ruf. Pour le reste, cette première du Pré aux clers donnée à l’Opéra Comique ce lundi 23 mars était un bel exemple de l’Europe des Arts: un chef anglais, Paul McCreesh dirigeant un orchestre portugais, ainsi que dans les rôles titres, un ténor américain, Michael Spyres et une québecoise, Marie-Eve Munger. Cette dernière fit merveille en Isabelle de Montal, favorite de Marguerite de Valois et protestante tout comme le Baron de Mergy qui lui voue un amour partagé. Revisitant l’histoire de France dix années après la sanglante Saint Barthelemy, cet opéra de trois actes s’inspire de Prosper Mérimée et offre l’occasion au nouvel administrateur du Français de signer sa première mise en scène totale, soutenu ce soir-là par Denys Podalydes qui eut la chance tout comme les invités au grand foyer après le spectacle, de boire deux grands crus bordelais-un Margaux détenu par les frères Wertheimer et du Château Beychevelle grâce à un accord des plus heureux entre l’Opéra Comique et les propriètaires de châteaux bordelais. Dommage que fromages et charcuteries n’égayèrent pas les palais qui se contentèrent de petits fours bien peu roboratifs après deux heures de spectacle.
Une fin heureuse
Car revenons sur scène, où selon Eric Ruf, « il n’était pas question de faire le malin » dans l’adaptation de cet opéra de la fin du XIX ème siècle. Le parti pris est donc classique et naturaliste avec des costumes rappelant les tragédiens raciniens et…la Comédie Française. Jouer les deux premiers actes d’un trait pour laisser le dernier faire une seconde partie d’à peine une demi-heure accentue un dénouement pour le moins rapide, aux limites du crédible. Mais l’on est bien ici en face d’un répertoire où le drame demeure contrebalancé par les intrigues amoureuses, qui, de préférence se terminent bien.
Ainsi le noir Marquis de Comminge, de caractère autant que de vêtement, interprété par un Emilio Gonzalez Toro d’une vigueur presqu’hargneuse, est-il le seul à passer de vie à trépas, libérant les amants de l’unique obstacle à leur bonheur. Lakmé applaudie à Saint-Etienne, Marie-Eve Munger dramatise Isabelle de Montal, au risque de l’égalité vocale. La légèreté est en revanche incarnée sans réserve par Jaël Azzaretti en Nicette, tandis que Marie Lenormand a laissé loin derrière elle la timidité de Mignon, et affirme une Marguerite de Valois plus gouailleuse que nécessaire. Côté messieurs, la fatigue renforce l’accent du Mergy de Michael Spyres, délicat en début de soirée, quand Eric Huchet offre ce qu’il faut de bagout à Cantarelli, le fidèle et maladroit ami. Enfin, soulignons les excellents chœur d’Accentus, et la direction tambour battant de Paul McCreesh pour un résultat sans doute pas inoubliable, mais agréable à coup sûr.
Le Pré aux clercs, Opéra Comique jusqu’au 2 avril 2015