16 janvier 2015
Ce troisième 11 septembre dont personne ne parle

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If it bleeds, it leads. Si ça saigne, ça fait la Une. Le quotidien gratuit, Direct matin, qui a jeudi dernier fait sa couverture avec une photo de civière titrée « Un carnage » et VSD qui, cette semaine, affiche une couverture immonde du couloir de Charlie hebdo maculé de sang ont bien retenu la leçon des chaines de TV américaines- les mêmes qui refusent de montrer les caricatures de Charlie Hebdo à l’antenne. Reste que le Nigeria a, dans une indifférence ô combien obscène, été le théâtre d’un massacre à Baga et des villages avoisinants où les témoins survivants racontent avoir « marché sur des cadavres sur cinq kilomètres » ou encore vu le meurtre d’une femme accouchant comme le relate Libération,  seul média à en parler (pas une ligne dans Le Monde d’hier, seules des images du HCR commentées sur son site internet).

Voilà qui fait penser à ce reportage jusqu’au bout de l’enfer du photographe Sebastiao Salgado au Rwanda en 1994. « Je ne croyais plus en l’humanité après avoir vu ça » se souvient-il ainsi dans le Sel de la terre de Wim Wenders qui a remporté le prix Un certain Regard au dernier Festival de Cannes.  Et vous? Qu’en pensez-vous en apprenant que la même semaine, un attentat sur un marché a fait 19 morts dont une fillette de dix ans, la kamikaze-10 ans vous avez bien lu.

Silence et no man ‘s land médiatique

Sans doute est-elle une de ces jeunes filles kidnappées qui a fait le buzz- mais seulement cela-avec #bring back our girls. L’islamisme et non l’Islam-cela donne cela. Des fous de Dieu, des barbares qui tuent sans témoins comme au Nigeria. Combien de morts y-a t’il eu réellement dans cette attaque tue par les médias dans ce pays où plus un journaliste ni une caméra n’ose désormais s’aventurer? On parle pour bientôt de drones pour fournir des images. Mais les commentaires? Le vécu sans lequel Albert Londres aurait été un spécialiste SEO (optimisation du référencement/ Google) et Robert Capa un expert en Photoshop?

« Il y a massacres et massacres, écrit le  Sud-Africain Simon Allison, qui a couvert de nombreux conflits africains pour le Daily Maverick. Le massacre de Paris était effrayant, mais ce n’était pas la pire chose qui s’est passée la semaine dernière. Et de loin. Au nord-est du Nigeria, dans la ville de Baga, pendant cinq jours, les combattants de Boko Haram sont entrés dans la ville et ont anéanti hommes, femmes, enfants. Le nombre de morts varie, mais Amnesty International a cité des rapports suggérant qu’il pourrait y avoir jusqu’à 2 000 victimes – ou l’équivalent approximatif de 133 attaques de Charlie Hebdo. » 

Quant au président sortant du Nigeria, Goodluck Jonathan, il a exprimé ses condoléances à l’Etat français sans rien dire de Baga. Le Nigeria, pays aujourd’hui exsangue doit le remplacer ou le réelire le 14 février prochain. Ce jour de Saint Valentin, pas sûr que le résultat, qui sera fatidique pour l’avenir de ce pays, ne soit relayé en France. Chocolat en forme de coeur et lingerie feront la Une. Une fois encore. Une fois de trop.

Par Laetitia Monsacré

 

 

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