La salle de l’Athénée plongée dans une lumière intimiste, un pantin cycliste roule sur un fil avant que s’égrènent les premiers accords de la guitare de Philippe Mouratoglou : dès les premières secondes, le « conte sans texte », Sur le fil, conçu par Hélène Thiébault donne le ton, celui de la fragilité et de l’émotion. Avec une économie de moyens maximale, le spectacle invite le spectateur à un voyage poétique, au gré des images et des sons.
De La Nature à L’Epure, en passant par L’Eau, La Nuit, La Mort ou L’Abondance, les douze tableaux refusent le matérialisme pseudo-politique en vogue sur les planches, et préfèrent solliciter l’imaginaire. On se laisse porter par ces esquisses et ces évocations où chacun peut embarquer à sa convenance, élaborant son propre fil de l’histoire, tour à tour rêveuse ou humoristique, à l’instar des ombres de marionnettes qui dessinent une savoureuse saynète muette aux saveurs volontiers méridionales. Mêlant ses propres compositions à des pages de Brouwer, Sor ou Villa-Lobos, Philippe Moutatoglou a écrit avec Claire Thiébault un parcours musical qui n’a rien d’un simple commentaire : sans texte, le conte n’est pas sans parole.
Un théâtre épuré
Cette alchimie entre l’œil et l’oreille ne tient parfois qu’à un fil, et l’enchaînement entre les séquences trouve progressivement son rythme au début de la soirée. La pluie de sable et de lumière, comme une délicate brise de fraîcheur à peine humide, figurant Le Temps Vertical, amorce la fluidité d’une conclusion qui s’écoule vers une Abondance en une généreuse averse de pétales blancs, avant une coda sur une pavane de Dowland adaptée par Britten. Come heavy sleep : devant une scène dénudée par la lumière, les dernières notes s’évanouissent dans un profond sommeil.
Créé dans une première version à Saint-Quentin en fin août, Sur le fil investit la maison de Louis Jouvet pour deux soirs, avant de préparer une tournée la saison prochaine. Format de poche, avec une amplification subtile des guitares jamais envahissante, la production n’en est que plus légère pour s’envoler vers les étoiles : celles d’un théâtre métaphysique plus sensible qu’intellectuel, retiré hors du vacarme insensé de l’actualité.
Sur le fil, Théâtre de l’Athénée, 23 et 24 octobre 2014, et tournée à partir de 2015