Rendre hommage à Patrice Chéreau en le lisant sur scène est-il possible ? Après un passage au théâtre du Rond Point l’année dernière, le comédien Philippe Calvario s’y essaie au Théâtre de la Condition des soies. Il joue ainsi Les visages et les corps, recueil de plusieurs passages de l’ouvrage autobiographique éponyme de Patrice Chéreau. Dans cette ancienne fabrique de conditionnement de soie, le comédien a imaginé une scénographie si ce n’est fidèle, du moins pensée en forme de clin d’œil à l’auteur. Des chaises, un bureau et trois lampes pour un décor simple et épuré comme les affectionnait le metteur en scène disparu cette année. Pendant plus d’une heure, le jeune comédien nous plonge ainsi dans l’intimité de l’homme de théâtre, avec ce texte écrit lorsque l’auteur était artiste invité au Musée du Louvre. Conscient de rentrer dans un temple de la culture française, où sont exposées quelques unes des œuvres qui l’ont marqué comme la Victoire de Samothrace, Patrice Chéreau semble avoir eu le vertige devant tant d’honneur. Il décida alors de de se retourner sur son rapport à la scène à l’occasion de séances d’écriture nocturne alimentée à la vodka, que l’auteur » préfère désormais au whisky « . Le réalisateur de La reine Margot au cinéma ou Elektra qui enflamma le Festival d’Aix l’an dernier, revient également sur quelques moments amusants de sa carrière, comme avec Luchino Visconti ou Fellini, et bien entendu Bernard-Marie Koltès.
Philippe Calvario réussit avec talent à souligner la profondeur des doutes qui assaillirent Patrice Chéreau sur son rôle de metteur en scène, sur sa boulimie de projets et sur sa vie. Devant une salle très réactive, il fait aussi ressentir l’humour de la pièce que l’autodérision de l’auteur abreuve. Juste dans la légèreté, le comédien reste moins convaincant lorsqu’il s’agit de transmettre les angoisses de l’auteur, la relative jeunesse de Philippe Calvario étant sans doute un handicap pour incarner les mémoires d’un homme qui se retourne sur son passé. Peut être le texte est-il également trop intime, ne pouvant être dit que par son auteur, empli de l’angoisse que la vie ne s’achève et que le silence recouvre tout.
Par Florent Detroy
Les visages et les corps de Patrice Chéreau à la Conditions des soies jusqu’au 26 juillet à 16h35. Durée 1h10- Réservation : 04 32 74 16 49