Rechercher la beauté au milieu du métro parisien, c’est à quoi s’est attelée la compagnie Bataille en mettant en scène la pièce de l’auteur autrichien Peter Handke, Souterrain Blues. Pendant plus d’une heure, un homme arpente les voitures du métro parisien en accusant et condamnant une humanité passive et artificielle. Sur une scène aux allures de friche industrielle conçue par Enki Billal, éclairée par sa lumière bleue glaçante et fantomatique, seuls les passages vrombissants et éblouissants du métro parisien rompent le calme inquiétant de l’image du public, reflétée dans un miroir posé.
Le personnage de ce vagabond enragé est interprété par Yann Colette. Il n’est pas joueur d’accordéon, ni vendeur à la sauvette, encore moins marionnettiste. Il est peut être marginal, mais il ne vend rien. Il reprend plutôt. Les sourires, les faux-semblants, les illusions en condamnant cette foule qui « oublie ses rêves ». Grand inquisiteur de nos petites mesquineries, il recherche une supposée vérité et beauté, un jardin d’éden qui aurait été englouti sous les rails de la civilisation. Ses propres paradoxes finiront par apparaître au grand jour, une fois arrivé au terminus de la ligne.
Cette énième dénonciation de la société moderne pourrait s’avérer lassante et déjà vue si les mots de Peter Handke ne se révélaient pas aussi acérés et justes, capable de mettre à nu en quelques mots une salle quelque peu interloquée; l’interprétation de Yann Colette souligne par ailleurs avec talent la violence sourde du texte. A la manière d’un mafieux sorti d’un film de Scorcese, il torture le public avec sourire, son ton posé, presque empathique, soulignant à merveille le tranchant de la langue de Handke.
Par Florent Detroy
Souterrain Blues, de Peter Handke-Collège de la Salle, 3 place Louis Pasteur -Avignon Du 5 au 27 juillet à 11h45
Compagnie La bataille